Mai 68 dans l'ouest aura été moins violent mais plus long qu'ailleurs en France avec notamment un monde ouvrier et agricole à la pointe du mouvement. La région également marquée par la première occupation d'usine en France en mai 68.
50 ans après mai 68, les images imprimées dans l'inconscient collectif renvoient toujours à Paris. Les assemblées à la Sorbonne où l'on refait le monde, les pavés qui volent, les CRS qui matraquent. Des figures emblématiques surgissent, la capitale est au cœur des événements mais en province, l'Ouest gronde bien avant le joli mois de mai.
Ouvriers et Paysans, même combat à l'heure où les campagnes et les villes se modernisent à tout va. Une partie de cette jeunesse se sent en décalage avec la croissance économique des 30 glorieuses.
Contre les bas salaires, pour de meilleures conditions de travail, leur colère va monter dans les années 60, y compris dans des villes moyennes comme Quimper, Redon ou Fougères.
Si Paris aura ses voitures renversées et brûlées, l'Ouest a dès le 8 mai ses tracteurs qui envahissent Nantes et Rennes avec derrière des dizaines de milliers de manifestants et des slogans en commun.
"J'avais jamais participé à une manif, je ne savais pas ce qu'était une manif, mais je savais ce qu'était la solidarité, et je savais ce qu'était aussi l'injustice. Toutes les boites fermaient, on travaillait au rendement, on faisait 45 heures par semaine et on avait de tout petits salaires", raconte Chantal Houdusse, couturière à Fougères (35) en 1968.
La grève générale est annoncée le 13 mai partout dans le pays mais quelques 2 000 ouvriers à Sud Aviation près de Nantes vont plus loin dans le mode d'action. D'abord, ils bloquent et occupent leur usine ; ensuite, en représailles aux diminutions imposées des salaires, ils décident de séquestrer le directeur du site.
"Ils initient ce grand mouvement d'occupation d'usine, à la fois localement mais aussi nationalement. On considère que dans le cadre du mois de mai, c'est la première boite à se mettre en grève avec occupation, de toute la France" explique Christophe Patillon, Centre d'Histoire du Travail de Nantes (CHT)
La grève dure se répand à l'usine de téléviseurs Thomson d'Angers avec aux avants postes, les femmes du personnel. La fin mai est encore agitée par de grandes manifestations et contre manifestations dans la région. En juin, les comités de grève se disloquent, le travail reprend. Le pouvoir a lâché des concessions salariales, des promesses d'aménagement du territoire .
Ce mois de mai dans l'Ouest aura été plus long et moins violent qu'à Paris. Les bouleversements dans la société continueront à se faire sentir au-delà dans les années 1970.
Reportage de Denis Leroy, Gilles Le Morvan, Dominique Le Mée, Thierry Bouilly. Avec comme interlocuteurs :
- Chantal Houdusse, couturière à Fougères (35) en 1968
- André Marivin, ancien responsable CFDT à Fougères (35)
- Christophe Patillon, Centre d'Histoire du Travail de Nantes (CHT)
- Louis Thareaut, ancien responsable syndical Thomson (CFDT)