"Layla M.", neuvième long métrage de la cinéaste néerlandaise Mijke de Jong, retrace la radicalisation brutale d'une jeune femme en quête d'identité, déterminée à servir un groupe de jihadistes qui va l'enrôler jusqu'aux frontières de la Syrie.
Layla Mourabit, 18 ans, est une brillante Néerlandaise d'origine marocaine, musulmane pratiquante et élève de terminale dans un lycée d'Amsterdam qu'elle fréquente coiffée du voile.
Le jour, elle tente d'ouvrir les yeux de sa meilleure amie et de son jeune frère sur les injustices dont sont victimes "ses frères et ses soeurs" au Moyen-Orient. Le soir, elle échange sur son ordinateur avec Abdel, un jeune jihadiste au sourire enjôleur, sous l'oeil inquiet de ses parents.
Tandis qu'elle s'engage dans une pratique plus stricte de sa religion, Layla s'isole peu à peu d'un noyau familial où elle a créé le malaise.
Incarné par deux comédiens - Nora El Koussour et Ilias Addab - dans la juste mesure du propos, "Layla M." offre une lecture psychologique convainquante de cette thématique hautement sensible.
"Ce film est un avertissement à l'égard de toutes les jeunes filles qui sont tentées de partir servir cette cause. Elle n'y trouvent jamais leur place", a expliqué à l'AFP Mijke de Jong au Festival de cinéma européen des Arcs (Savoie), où son film était projeté.
Réalisatrice, scénariste et productrice, Mijke de Jong ajoute ainsi un nouvel opus à une oeuvre marquée par les préoccupations sociales. La cinéaste a touché du doigt la reconnaissance internationale en 2005 avec son 3e film, "Bluebird", auréolé de l'Ours d'argent au festival de Berlin.
"Je voulais raconter cette histoire du point de vue de Layla et donner au spectateur davantage d'éléments de compréhension de ces situations. L'objectif du film, c'est aussi de montrer que lorsque la foi est en jeu, cela peut arriver à n'importe qui".
Pas de réponse unique
Coécrit avec Jan Eilander, le scénario de "Layla M." est né il y a quatre ans de la rencontre de la réalisatrice avec une jeune femme au parcours similaire à celui de son héroïne, même si "cette histoire est basée sur beaucoup d'autres".
"Je me suis reconnue dans la quête d'identité de cette jeune femme et son besoin d'appartenir à un groupe radical pour canaliser sa pensée. Dans un monde comme le nôtre, il est difficile de trouver son chemin".
Pour se documenter, Mijke de Jong est allée enquêter dans les mosquées et a recueilli le témoignage d'anciennes prétendantes au jihad. Elle pointe aujourd'hui toute la "naïveté" de ces jeunes femmes adhérant à un "écran de fumée".
"Layla M." décrit la puissance sournoise de l'islam radical, qui déverse son message via les réseaux sociaux pour tenter d'annihiler les consciences.
Le long métrage narre la route jonchée d'espoirs déchus de jeunes femmes dévouées à une cause pensée et dirigée par des hommes, qui les enrôlent pour procréer et lui offrir de "nouveaux guerriers".
Mijke de Jong s'attache également à souligner toute l'impuissance des familles confrontées à la détermination, nourrie de haine, de ces jeunes femmes sourdes à tout raisonnement.
Face à l'embrigadement irreversible de Layla, la réalisatrice dresse le portrait d'un État démuni, s'appuyant davantage sur son dispositif policier que sur ses leviers sociaux pour lutter contre le phénomène.
L'emprise de Layla n'est jamais dépeinte comme la conséquence d'un délaissement affectif familial ou institutionnel, mais comme d'un choix assumé pour lequel elle est prête à tout.
"Je n'ai pas voulu donner de réponse. La variété des situations et des motivations font qu'aucune réponse pourrait s'appliquer à tous", dit-elle.
Le long métrage a été tourné en partie à Amsterdam, en Belgique et à Amman, en Jordanie, où les réfugiés d'un camp ont joué les figurants.
Produit par Topkapi Films pour 2,9 millions d'euros, le film n'a pas encore trouvé de distributeur en France.