La Cour d'Assises de Paris a rendu son jugement dans l'affaire du meurtre de Firmin Mahé en Côte d'Ivoire en 2005. Trois écopent de peines avec sursis, un autre est acquitté. Ce dernier était le pilote du blindé au moment des faits.
L'avocat du soldat acquitté, le pilote du véhicule au moment des faits, demande aujourd'hui sa réintégration dans l'armée française.
La cour d'assises de Paris a prononcé les peines vendredi, épilogue d'un procès hors norme au coeur de l'armée et de ses opérations extérieures.
"Scandaleux", "honte à la France!", ont lancé à l'énoncé du verdict des Ivoiriens présents dans la salle, avant de sortir et de se mettre des sacs en plastique sur la tête.
La victime, Firmin Mahé, considéré comme un "coupeur de route", un bandit attaquant les voyageurs et les populations, avait en effet été étouffé avec un sac plastique alors qu'il était transporté dans un blindé français.
La cour a estimé que le geste des militaires avait "gravement porté atteinte aux valeurs de la République". Mais elle a considéré que la "situation exceptionnelle" à laquelle ils étaient confrontés était "de nature à atténuer leur responsabilité".
Le colonel Eric Burgaud, qui avait transmis l'ordre de tuer Mahé, a été condamné à cinq ans avec sursis, alors que cinq ans ferme avaient été requis par l'accusation. "La justice a finalement reconnu que nous n'étions pas des salauds...", a déclaré Eric Burgaud à quelques journalistes.
L'adjudant-chef Guy Raugel, qui avait tué Mahé, sur ordre, a lui été condamné à quatre ans avec sursis. Cinq ans dont trois ferme avaient été requis. "C'est inespéré... c'est comme une deuxième naissance", a-t-il dit à la presse, ajoutant qu'il allait se consacrer "à fond" à des activités humanitaires.
La cour a enfin condamné à un an avec sursis le brigadier-chef Johannes Schnier, qui maintenait Mahé, et a acquitté le brigadier Lianrifou Ben Youssouf, qui conduisait le véhicule.
Retour sur l'affaire :
Les militaires appartenaient à la force française Licorne déployée en soutien de l'ONU en Côte d'Ivoire. Ils étaient chargés de surveiller la "zone de confiance", entre le nord tenu par la rébellion et le sud loyaliste.Une "zone de non-droit", sans aucun moyen de police judiciaire. Les accusés ont expliqué qu'ils étaient excédés de voir les auteurs d'exactions dont ils étaient témoins remis en liberté sitôt arrêtés.
C'est dans ce contexte qu'ils avaient interpellé Firmin Mahé, près de Bangolo (ouest), blessé par balle par une patrouille puis transporté dans un blindé vers la ville de Man. Il avait été tué en route.
Le colonel Burgaud, qui avait reconnu tardivement avoir transmis l'ordre fatal, affirme avoir lui-même tenu cet ordre du général Henri Poncet, son supérieur, qui lui aurait dit "roulez doucement... vous m'avez compris".
Le général a démenti et bénéficié d'un non-lieu durant l'enquête.
En prenant une dernière fois la parole devant la cour, vendredi matin, les militaires ont espéré que leur procès ferait "réfléchir" à l'engagement de soldats dans des opérations extérieures très dures, en Afghanistan notamment.
L'essentiel des débats a tourné autour de la possibilité qu'avaient les accusés de désobéir à un ordre illégal, ce qu'ils ont estimé plus simple à concevoir dans le confort d'un bureau qu'à mettre en oeuvre sur le terrain.
"On a vu passer beaucoup de galonnés, avec de belles étoiles et politiquement corrects, qui m'ont donné la nausée", a déclaré Guy Raugel.
Lors d'une audience civile qui a suivi l'énoncé du verdict, l'avocat de la famille de Mahé, affirmant qu'il n'était pas un bandit, a demandé 1,2 million d'euros de dommages et intérêts. La cour rendra sa décision sur ce point le 22 janvier.