De Benjamin Franklin à Valéry Giscard d'Estaing : la saga du changement d'heure

Deux siècles les séparent, mais une toute petite heure les relie. Une heure qui fait basculer la France de l'hiver à l'été et de l'été à l'hiver. Une heure que l'on retire ou rajoute pour se rapprocher un peu plus de la lumière du soleil, et tenter de faire des économies d'énergie.

Économiser des bougies et de la cire en opérant un changement d'heure, l'idée date de 1784 et a été exposée pour la première fois dans le Journal de Paris . A son origine, une lettre anonyme dont l'auteur n'est autre que le célèbre Benjamin Franklin qui pose sa suggestion comme LA solution à un petit problème mathématique. 

"En partant du principe qu'il y a 100 000 familles à Paris et que ces familles consomment la nuit 1/2 livre de bougies et chandelles par heure... En estimant de 6 à 8 heures la durée moyenne entre l'heure de lever du soleil et la nôtre... il y a donc 7 heures par nuit pendant lesquelles nous brûlons des bougies, on en arrive au décompte suivant :
en six mois entre le 20 mars et le 20 septembre, il y a 183 nuits. 7 heures par nuit d'utilisation de bougie. La multiplication donne 1 281 heures. Ces 1 281 heures multipliées par 100 000 donnent 128 100 000.
Chaque bougie exige 1/2 livre de suif et de cire, soit un total de 64.050.000 livres. À un prix de trente sols par livre de suif et de cire on en arrive à 96.075.000 tournois de livre."  Bref, une sacrée somme.


Pourtant, l'idée ne sera reprise qu'en 1907 par le britannique William Willet qui lance une campagne contre le "gaspillage de la lumière". En 1916, l'Allemagne est le premier pays à l'appliquer, suivie de près par les Anglais et la France, sous l'impulsion d'André Honnorat, le 14 juin 1916. La France qui finit par abandonner l'heure d'été à la Libération, car elle est trop liée dans l'esprit des Français à ces périodes de guerre.

1973 : le premier choc pétrolier agit comme un détonateur. Le 28 mars 1976, sous Valéry Giscard d'Estaing, l'heure d'été est rétablie. Il ne s'agit plus d'économiser des chandelles ou du charbon, mais du pétrole, devenu beaucoup trop cher. Résultat, le dernier dimanche de mars et le dernier dimanche d'octobre, tout le monde recule ou avance, c'est selon, sa montre d'une heure.

Des économies de bouts de chandelle ?

Mais à combien se chiffre l’économie ainsi réalisée ? Selon l’évaluation menée par le ministère de l’Industrie, EDF et l’Ademe, le gain énergétique était de 1,3 TWh en 2003. En comparaison, les ampoules basse consommation devraient à elles seules permettre aux Français de consommer 8 TWh de moins par an à l’horizon 2016.

De plus, selon des résultats plus récents, les économies d'énergie réalisées en 2009 ont été modestes. D’après les chiffres de RTE (Réseau de transport d'électricité) qui gère le réseau électrique français, changer d'heure a permis d'économiser 440 gigawattheures en 2009, ce qui est peu au regard des 513 000 gigawattheures de consommation annuelle des Français.