La révélation de son existence avait suscité un déchaînement de protestations à droite et une salve de plaintes. Mais le parquet de Paris a requis un non-lieu pour la présidente du Syndicat de la magistrature dans l'affaire du "Mur des cons", estimant les faits prescrits.
L'affaire n'est pas terminée et la présidente du SM, Françoise Martres, n'est pas encore à l'abri d'un procès car il appartient à la juge d'instruction saisie des douze plaintes pour injures publiques d'ordonner ou non son renvoi en correctionnelle. Mais il s'agit d'une première victoire pour ce syndicat de gauche, sous le feu des critiques après la diffusion par le site Atlantico en avril 2013 d'images de ce mur, un panneau montrant de nombreuses photos de personnalités, essentiellement de droite, accroché dans le local du SM à Paris.
A l'époque, des responsables du Front national et de l'UMP s'étaient emparés du sujet pour relancer la polémique sur l'indépendance des magistrats.Sur le "Mur des cons", figuraient notamment l'ex-ministre UMP de l'Immigration et de l'Identité nationale, Brice Hortefeux -- affublé d'un autocollant du FN sur le front et de la mention "l'Homme de Vichy"--, Michèle Alliot-Marie, Nadine Morano, le magistrat Philippe Courroye, le criminologue Alain Bauer, les intellectuels Alain Minc ou Jacques Attali...
- 'Défouloir' -
Le SM s'était défendu, qualifiant le mur de "défouloir" et regrettant des images captées à son insu "dans un lieu privé (...) qui n'est pas accessible au public". Françoise Martres avait été mise en examen pour "injures publiques". Dans ses réquisitions, datées du 7 janvier, le parquet considère que le local syndical est bien accessible au public, a expliqué une source judiciaire à l'AFP. En revanche, la loi sur la liberté de la presse fixe la prescription à trois mois à compter du jour où les faits ont été commis. Le parquet considère que ce délai prend effet au moment où la photo a été affichée sur le panneau et non quand la vidéo du "Mur des cons" est sortie dans Atlantico, a ajouté la source.
Françoise Martres avait affirmé que le mur datait de "l'ère Sarkozy", qui a pris fin en mai 2012. Elle avait aussi fait valoir qu'au moment de la diffusion par Atlantico, le panneau était déjà ancien et avait déjà été vu par d'autres journalistes. Autre argument du parquet, qui ne se prononce pas sur le fond, la responsabilité de la présidente du SM en tant qu'éditeur du panneau ne peut être retenue. "Ces réquisitions sont conformes à ce que nous avons soutenu avec Françoise Martres depuis le premier jour", a réagi auprès de l'AFP son avocat, Me Antoine Comte. "Sur le plan juridique, ça ne tient absolument pas la route", plaide au contraire Me Gilles-William Goldnadel, avocat de l'actuel maire de Béziers, Robert Ménard, qui figurait aussi sur le "Mur des cons". "L'infraction commence évidemment au moment où c'est sur Atlantico", a déclaré l'avocat, qui espère un procès et estime que "le parquet de Mme Taubira essaie de sauver le Syndicat de la magistrature".
Plusieurs ténors de droite avaient demandé des comptes à la ministre de la Justice. Accusée de réagir à minima, Christiane Taubira avait exprimé sa "vive émotion" et sa "consternation" et avait saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Mais un mois plus tard, l'instance avait refusé de se prononcer. Dans une réponse écrite ultérieure, la garde des Sceaux avait estimé qu'il était impossible de "déterminer des responsabilités personnelles" dans cette affaire.