Firmin Hernandez et Jean Mouillaud se sont engagés dans la résistance à la fin de l'adolescence. Ils disent ne pas être des héros, avoir simplement fait leur devoir, ne pas pas accompli d'exploits. Mais s'engager c'était déjà beaucoup quand on avait 16 ou 17 ans.
Ils ont tous deux atteint l'âge où l'on marche lentement, celui où l'on ne sort que pour les grandes occasions. A 88 ans, Jean Mouillaud et Firmin Hernandez ont gardé dans une mémoire qu'ils sont obligés de bousculer le souvenir de leur première décision d'homme : résister à l'envahisseur allemand. Ils vivaient à Brioude et n'avaient alors que 16 et 17 ans.
"Il y a eu ce rassemblement au Mont Mouchet" se souvient Firmin. "On m'a demandé si je savais tirer avec un fusil. On ne devait pas être tellement nombreux encore à savoir tenir une arme... Comme quoi, on était vraiment des novices !"
"On était inconscients !"
"Vous savez, il ne faut pas croire que les gens sont partis au maquis comme ça ! Il faut avoir le courage de partir, de quitter sa famille, de quitter son travail !" précise Jean. "Mais c'était quelque chose de normal. On ne voyait pas la mort, on ne voyait pas le danger à l'époque ... Moi je n'ai pas eu peur. J'ai combattu, j'ai tiré des coups de flingues ... c'est tout.""Vous savez, à 17 ans et demi, 18 ans, on se rend pas compte de tout ça" ajoute Firmin. "On faisait n'importe quoi ... On était capables de mourir comme ça ! J'ai des camarades comme ça qui ont été tués ... et moi j'aurais bien pu l'être à plusieurs reprises ! On était inconscients."
Encerclés au Mont Mouchet
Leur première grande bataille a lieu près de chez eux. En juin 1944, des milliers de résistants se retrouvent encerclés par trois mille soldats allemands au Mont Mouchet. 280 perdront la vie, une centaine de civils seront assassinés. Firmin qui est là en renfort sera blessé lors de l'évacuation. Son camion part dans un fossé il est blessé aux jambes. Jean rejoint un autre maquis. Il intègre la première armée de libération française en septembre 1944 au sein du 8ème régiment de dragon.Jean a gardé de cette époque un uniforme américain. "On a enlevé les boutons, on a mis les boutons français. Quand on a été habillés en Américains, il a fallu dire : on n'est pas américains, on est auvergnats, français !"
"C'est pas nous les héros !"
En quelques mois Jean progresse vers l'est au sein d'une armée qui grossit. Il se souvient des combats dans la boue, des moins 25 degrés dans les Vosges. Firmin, lui, reprend le combat en mars 45. Il est blessé à nouveau en Alsace un mois plus tard. Un éclat d'obus dans la cuisse. Jean est blessé en service commandé le 12 février près de Colmar. Les deux auvergnats se revoient finalement à l'hôpital. Ils passeront des mois à soigner leurs blessures.Pour Jean, "c'est atroce de faire une guerre, il faut pas croire. Quand vous êtes jeune, vous ne pensez pas que vous allez mourir mais c'est dur quand même. Quand on arrive à la fin de la guerre, vous tremblez encore. Moi j'ai été traumatisé par la guerre."
Firmin aussi se remémore ces moments difficiles : "quand j'étais à l'hôpital et que j'apprenais le décès d'un de mes camarades, c'était dur. Je les ai connus dans la résistance, ils avaient suivi la première armée française … Ils ont été tués dans les Vosges, en Alsace ... Quand j'apprenais leurs décès, c'était terrible. C'est des héros. C'est pas nous qui sommes les héros, ce sont eux !"
Un ennemi devenu ami
Mais dans ces souvenirs sombres, il y a aussi quelques éclaircies … Jean se souvient notamment d'une amitié très particulière née à cette époque : "on a fait un prisonnier, un gars qui avait mon âge à l'époque. Je lui ai donné à bouffer, je lui ai donné une cigarette. Il nous apportait les munitions, on l'a gardé pendant un bon moment car on ne pouvait pas l'évacuer tout de suite. C'était mon ennemi et c'est devenu mon ami."Devenu policier Jean Mouillaud qui n'avait pas supporté la poignée de main entre Hitler et Pétain échangera pendant des années des nouvelles avec Gerd, son ex-ennemi qui avait six mois de plus que lui.
Pour la République, la démocratie "et la laïcité !"
Quant aux motivations des deux hommes, elles se rejoignent. "J'ai combattu pour que la République et la démocratie reviennent" explique Jean. "C'était un devoir à accomplir." Firmin précise : "je me suis battu pour rétablir la République et la laïcité. Je rajoute toujours la laïcité."Des années après s'être élevé contre l'oppression, Firmin Hernandez ne comprend pas toutes les querelles qui secouent notre société actuelle. Lui qui nous dit que les frontières c'est l'ennemi et dont la famille a hébergé des juifs se sent européen et citoyen du monde.