L'ex-numéro deux de la PJ lyonnaise, Michel Neyret, a été renvoyé en correctionnelle pour une affaire de corruption présumée par le milieu qui avait ébranlé la police en 2011. Parmi les huit autres personnes qui seront également jugées: Christophe Gavat, l'ex-patron de la PJ de Grenoble.
Le juge d'instruction a signé, jeudi 3 septembre, son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris. Outre Michel Neyret, ce "grand flic" déchu, huit personnes seront jugées: l'épouse de Michel Neyret, trois anciens subordonnés dont Christophe Gavat, trois membres présumés du milieu lyonnais et un avocat de Lyon.
En 2011, Christophe Gavat avait été placé en garde à vue durant quatre jours puis mis en examen pour notamment "trafic de stupéfiants" et "association de malfaiteurs" après avoir, selon l'enquête, accepté de détourner de la drogue pour un indicateur à la demande de Neyret. Une interpellation sur laquelle l'ancien patron de la PJ grenobloise est revenu dans un livre intitulé "96 heures. un commissaire en garde à vue".
"Ripou" ou "grand flic"?
Légende de la PJ lyonnaise à la gueule de cinéma, Neyret était-il en fait un "ripou" qui renseignait le milieu et a détourné des saisies de stupéfiants? Ce scandale, en 2011, était le premier d'une série d'affaires qui ont ébranlé l'institution policière: trafic de coke présumé à Roissy, soupçons de détournement de cocaïne à la PJ parisienne, également touchée par des accusations de viols portées par une touriste canadienne, fuites présumées qui ont coûté sa place à l'ancien patron du "36", Bernard Petit.Comme celui-ci, Michel Neyret, 59 ans, jouissait avant sa chute d'une grande aura, bâtie sur son charisme et une carrière brillante. En 2010, il est un policier au sommet quand la PJ parisienne enquête sur un réseau international de cocaïne et saisit à Neuilly-sur-Seine 100kg de poudre. L'un des suspects est une figure du milieu, Yannick Dacheville, en fuite.
Des écoutes téléphoniques étonnent les enquêteurs: un homme réputé proche du milieu lyonnais, Gilles Benichou, cherche des renseignements sur ce dont dispose la justice contre Dacheville. Et en obtient courant 2011. Son informateur semble être Neyret. Il est cueilli à son domicile et mis en examen en septembre 2011, un an avant d'être révoqué.
"Prélèvements" sur les saisies
Selon une source proche du dossier, l'enquête démontre alors que "Neyret rendait des services divers" à Gilles Benichou, le frère d'un de ses "indics", et à d'autres membres présumés du milieu lyonnais. Le policier a consulté à de nombreuses reprises les fiches de figures, comme Cyril Astruc, alias Alex Kahn, personnage central de l'escroquerie à la taxe carbone, ou encore Stéphane Alzraa. Il est soupçonné d'avoir informé ces deux-là "du contenu de dossiers judiciaires traités par son service et par d'autres services de police", selon une source proche du dossier.Lui sont également reprochées "des interventions auprès de policiers et de magistrats". Mais les enquêteurs pensent que Neyret s'est aussi "procuré et a essayé de se procurer de la résine de cannabis ayant fait l'objet de saisies" dans le but "de la remettre à plusieurs personnes qui l'ont revendue".
Des faits présumés qui vaudront à l'ex-patron de l'antenne de la PJ de Grenoble et à deux anciens des "stups" de Lyon de prendre place à ses côtés sur le banc des prévenus. Neyret admettra ces "prélèvements", destinés selon lui à "récompenser ses informateurs", précisant qu'il s'agissait d'une "pratique ancienne" et invoquant "son désir d'être efficace dans sa lutte contre les malfaiteurs".
Mais ses anciens confrères relèvent que Neyret a très peu utilisé sa carte de crédit, très peu retiré d'espèces durant la période considérée. L'épouse du policier a expliqué que des membres présumés du milieu donnaient "de ci de là des sommes de 1.000 euros à son mari", ce que Neyret a contesté. Il y a aussi ces voyages, dans des hôtels luxueux à Marrakech, Ajaccio ou Cannes, ces centaines d'euros de bons-cadeaux, cette montre de prix, ces achats de vêtements évoqués au téléphone entre membres du milieu.
Autre interrogation: ce compte en Suisse qui ne sera jamais abondé. Les enquêteurs se demandent s'il n'était pas destiné à recevoir des fonds douteux. Michel Neyret comparaîtra notamment pour violation de secret professionnel, corruption et trafic d'influence passifs par personne dépositaire de l'autorité publique, détournement de scellés de stupéfiants, détention, offre ou cession de ces produits et association de malfaiteurs en vue de commettre une partie de ces délits.