Les agriculteurs ont plus peur que jamais pour leur avenir. Ce vendredi 12 avril en fin de matinée, les Alpins ont rejoint la manifestation régionale à Lyon pour réclamer des aides d'urgence histoire de faire face à la hausse des coûts et pour s'opposer aux directives européennes.
Des centaines de tracteurs, des animaux, 400 à 500 agriculteurs... La manifestation qui a commencé place Bellecour, en plein centre-ville de Lyon, a fait du bruit. Une mobilisation nationale à l'appel des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et des Jeunes Agriculteurs.
Parmi les manifestants, nombre d'exploitants agricoles des Alpes qui disent avoir les mêmes problèmes que les autres en France: augmentation du prix des céréales, augmentation des charges et du prix de l'essence, stagnation du prix du lait... Une nouvelle directive européenne appelé "nitrates" vient également attiser la colère.
Cette directive, imposée par Bruxelles en 1991, n'était pas vraiment appliquée en France. La Commission Européenne a fini par menacer le pays de sanctions. En février 2012, elle a poursuivi Paris devant la Cour de Justice de l'Union Européenne pour ne pas avoir pris de mesures suffisamment efficaces et rapides contre la pollution aux nitrates.
Les agriculteurs et la FNSEA avaient déjà manifesté contre cette mesure en janvier 2013 à Paris, et déversé des bottes de foin sur la chaussée, près du Ministère de l'Agriculture et partout en France. La mobilisation du 12 avril est la suite logique.
Une directive coûteuse et inapplicable en zone de montagne
La directive "nitrates" a pour but de limiter la pollution des eaux en surface et en sous-sol, en interdisant l'usage des nitrates présents dans les engrais agricoles et les déjections animales. Pour ce faire, la directive impose des périodes et des zones d'interdiction d'épandage des engrais animales.
"Si on n'a plus le droit de déposer le fumier et le lisier sur des pistes de plus de 7%, on pourra plus l'épandre", explique Laurent Michel, éleveur de vaches limousines à Primarette, dans la Bièvre en Isère. L'agriculteur a une belle exploitation, 180 têtes, primée aux concours agricoles et une viande Label Rouge. En dépit de cette réussite, et d'une passion héritée de son père, les comptes de Laurent Michel ne sont pas bons, la faute à la hausse des céréales d'abord. "En deux ans, on a subi une augmentation des prix de 20 à 25%", se désole-t-il, "des aliments nobles, du maïs, de la luzerne, du son..."
Les charges ont carrément triplé en 20 ans, et les normes sanitaires se multiplient. Tout cela engendre des surcoûts. Les éleveurs des Alpes ont le sentiment d'être pris au piège dans une Europe à deux vitesses. "La France est la bonne élève de l'Europe", explique Laurent Michel, "ça a un coût, on a des coûts de production élevés, avec des prix équivalents aux pays qui n'ont pas des coûts aussi élevés".
La directive "nitrates", c'est un peu "le coup de grâce". "Si on ne peut plus épandre le fumier, que va-t-on en faire?" s'inquiète Laurent Michel. "A un moment donné, l'élevage va être obligé de disparaître".
Les troupeaux de vaches ont déjà disparu du côté de Tullins. Les paysans ont abandonné les bovins pour la culture de la noix. Moins de tracas, et un meilleur revenu. Il reste des moutons mais, pour les éleveurs ovins aussi, la directive semble absurde. "Si on essaie d'éviter les zones difficiles, les zones de côteaux, on se rend compte qu'après le bovin, il y a le mouton. Après le mouton, y'a les ronces, y'a plus rien", explique Eric Greffe-Monteymond, éleveur et président de la section ovine FDSEA. "Le danger, c'est de déserter ces zones, qui deviennent des zones en friche".