Ain : à Thil, une aire de gens du voyage qualifiée de "camp de la honte"

L'intercommunalité locale a fait installer des barbelés le long d'une aire destinée aux gens du voyage, située dans l'Ain, pour "protéger" les entreprises riveraines. Les membres de la communauté sont choqués, et une procédure judiciaire se prépare. 

Une clôture, des barbelés, et un large fossé. A hauteur de la commune de Thil, dans l'Ain, la mise en place de clôtures le long d'une aire réservée aux gens du voyage provoque l'émoi de la communauté. Ce dimanche 16 mai, un avocat annonce son intention d'intenter une procédure judiciaire contre les gestionnaires du site.

 

"C'est une insulte"

"Ca nous ramène aux années 40 ! C’est une insulte à ce qu’on a vécu !" A peine arrivés sur le site, les membres d'une communauté évangélique de gens du voyage remarquent la haute clôture, doublée de fils barbelés, qui sépare l'aire d'accueil de la zone d'activité toute proche. Consternés, ils évoquent le lourd passé vécu par les populations nomades de France. Jean-Claude Langrain, pasteur au sein de la communauté, en témoigne :"on a eu de la famille qui est restée dans les camps de concentrations, et ils y sont morts". Pour lui et ses proches, l'installation donne des airs de prison à ciel ouvert à leur site d'accueil. "C’est inadmissible", réagit un autre habitant : "ils ont mis des barbelés et une barrière. Une barrière d’accord, mais des barbelés ?!" 

Procédure judiciaire

Le tollé fait rapidement le tour des réseaux sociaux, et déjà, l'affaire prend un tour judiciaire. Olivier Le Mailloux, avocat marseillais spécialiste en libertés fondamentales et en Droit constitutionnel, a mis en demeure les gestionnaires de retirer les barbelés, "en priorité ceux qui sont à hauteur des enfants", et de "sécuriser le fossé" en urgence. S'il n'est pas entendu dans les prochaines heures, annonce-t-il, il déposera un référé auprès du tribunal administratif de Lyon, au nom de la dignité humaine, ainsi qu'une plainte au pénal, pour mise en danger de la vie d'autrui. "Ce sont des barbelés qu'on trouve en prison, il ne manque plus que les miradors", déplore-t-il. "C'est le camp de la honte ! Ces barbelés protègent les autres des gens du voyage. Or, protéger les autres contre vous, ça s'appelle un système carcéral", conclut-il.

 

Intrusions dans des entreprises voisines

L'intercommunalité locale examinera la demande de l'avocat prochainement, mais elle prévient : "enlever la clôture pendant le pont de l'ascension, ce n'est pas matériellement possible". Dans l'attente d'une réponse officielle, un membre du Conseil Communautaire relativise : "c'est un non évènement. Nous avons échangé avec eux, ils auraient préférés qu'il n'y aie pas ces barbelés, mais il n'y a aucun problème pour les accueillir, c'est un espace de qualité, paisible, doté de tous les équipements prévus". Quant à la clôture, elle a été installée à la demande d'entreprises voisines, qui ont signalés des intrusions sur leurs sites. "Elles ont demandé une clôture infranchissable, mais sur un seul côté, pour séparer l'aire de la zone industrielle. Les trois autres côtés sont ouverts sur la nature", tempère le conseiller. "Nous n'avons pas la volonté de réveiller de mauvais souvenirs", ajoute-t-il.

Mais ces mauvais souvenirs restent particulièrement vivaces pour toute la communauté. Sous le régime nazi des années 40, les populations tziganes d'Europe ont successivement subi l'oppression, les campagnes de stérilisations, puis l'enfermement, la déportation et enfin, l'extermination de masse. 

Reportage de Mouloud Aïssou et Béatrice Tardy 

 

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