Le Musée de la Résistance de Nantua présente, jusqu'au 15 novembre 2019, l'expo "S'exiler pour survivre". Durant la Seconde Guerre mondiale, particulièrement entre 1942 à 1944, de nombreux Juifs ont fui en direction du Pays de Gex pour essayer de passer en Suisse et sauver ainsi leur vie.
"C'était les années d'exécution de la "solution finale de la question juive" par l'Allemagne nazie. Ceux qui l'avaient compris, et en avaient les moyens, ont donc décidé de fuir. Beaucoup sont passés par la Haute-Savoie, un peu moins par le Pays de Gex (Ain) mais leurs passages ont néanmoins laissé des traces dans les archives, qui permettent de reconstruire avec précision des parcours, des actes de résistance, et malheureusement aussi des refoulements de la part des autorités helvétiques", explique Ruth Fivaz-Silbermann, l'historienne suisse qui a travaillé pour l'expo du Musée de Résistance et de la Déportation de Nantua. "S'exiler pour survivre" présente les parcours de familles juives fuyant les persécutions mais aussi les réseaux d'entraide et de sauvetage.
Eté 42
La fuite des populations juives vers la Suisse commence au début de l'été 1942. La première vague arrive de Hollande et de Belgique, où l'occupant nazi, après les avoir dépossédés de leurs biens et de leur statut légal, déclenche leur déportation massive, sous couvert de "mise au travail". Ils affluent à la frontière suisse sur tout l'arc jurassien.Les Juifs étrangers seront très vite rejoints par des Français, les Lyonnais en premier lieu, qui ressentent la menace de Vichy. Les passages vers la Suisse par le Pays de Gex s'accentuent alors.
L'accueil des Juifs en Suisse
Au début de la guerre, la Suisse décrète l'obligation de visa et le refoulement de tous ceux qui en sont dépourvus. La frontière est donc fermée et les visas octroyés de manière très restrictive, surtout aux Juifs. La Suisse craint un afflux ingérable et l'"enjuivement" du pays.Après une période de tolérance, la frontière se referme strictement le 4 août 1942, au moment même où déferle la première vague de réfugiés. Des centaines de refoulements sont opérés.
Une forte réaction de l'opinion publique parvient toutefois à desserrer l'étau. Ceux qui ont pu pénétrer au coeur du pays ne sont plus refoulés. Des consignes officieuses de Berne autorisent l'accueil des populations fragiles: vieillards, malades, femmes enceintes, familles avec un enfant jusqu'à 16 ans (âge abaissé à 6 ans en 1943). Les enfants et adolescents venus seuls sont accueillis aussi, ce qui permet à la résistance juive d'organiser une centaine de convois et de sauver 1200 enfants.
La police frontière conserve cependant le contrôle de l'accueil et du refoulement. Le comportement individuel des responsables locaux, officiers de l'armée territoriale ou des douanes, a parfois été déterminant, allant de la clémence discrète au zèle extrême.
De juin 1942 à juin 1944, 298 fugitifs juifs passés par le Pays de Gex ont été accueillis, et 76 ont été refoulés.
Reportage Franck Grassaud et Maryne Zammit