En raison de la crise sanitaire liée au Covid 19, la cérémonie d'hommage aux enfants d'Izieu, raflés le 6 avril 1944, n'a pas pû se tenir dans les conditions habituelles. C'est un hommage diffusé sur les réseaux sociaux qui a eu lieu ce lundi matin, à partir de 11h.
Dans l'Ain, à Izieu, la traditionnelle cérémonie de commémoration de la rafle du 6 avril 1944 n'a pas eu lieu comme d'habitude cette année, en raison du contexte sanitaire lié au Covid-19 et des mesures de confinement. Mais un hommage aux enfants et à leurs éducateurs, arrêtés et déportés par la gestapo voilà 76 ans, a été organisé par l'équipe du Mémorial. Le devoir de mémoire malgré le confinement !
Cérémonie annulée, une première depuis 1946
"La Maison d’Izieu a souhaité poursuivre le travail de mémoire et son engagement dans la lutte contre toutes les formes de discrimination lors d’un moment commémoratif partagé sur les réseaux sociaux," a indiqué le Mémorial.
Dans un message diffusé ce week-end, Dominique Vidaud, Directeur de la Maison d'Izieu a rappelé que "depuis 1946, aucune commémoration de la rafle du 6 avril 1944 n'a été annulée ou reportée." "Pour la première fois cette année, le contexte sanitaire ne permet pas d'organiser une cérémonie mais nous nous devons de respecter les consignes qui tentent d'éviter la propagation de cette épidémie," indique Dominique Vidaud. "C'est donc à distance que nous commémorerons la rafle du 6 avril pour rendre hommage aux 44 enfants d'Izieu et à leurs 7 éducateurs, tous déportés et assassinés," a indiqué le directeur du Mémorial.
"La Mémoire ne vit que si elle est partagée..."
La commémoration de la rafle du 6 avril 1944 a donc maintenue à la Maison d’Izieu mais dans des conditions particulières. L’équipe du mémorial d'Izieu a eu l’idée de partager un hommage vidéo ce lundi dès 11h sur un maximum de réseaux : Facebook, YouTube, twitter, Instagram ou encore Linkedin.
Ce lundi matin, à partir de 11h, une vidéo a été dévoilée. Avec sobriété, elle montre les visages des 44 enfants juifs déportés et ceux de leurs sept accompagnateurs. Les dessins s'enchaînent sur près de trois minutes. La vidéo donne l'âge des éducateurs et des enfants déportés (le plus jeune avait 4 ans), leur provenance et le numéro du convoi qui les a conduit à la mort. Ces portraits au fusain ont été réalisés par l'artiste Winfried Veit et offert à la Maison d'Izieu en 2017. Dans la vidéo, on découvre aussi l'âge de ces victimes de la barbarie nazie. Ces enfants étaient nés en Autriche, en Pologne, en Allemagne, en Algérie ou encore en France.
Montage Valentine Panici pour la Maison d'Izieu Images. Vidéo : Théo Di Paolo
Musique : Luz de Sol de Christopher Slaski
Sur Facebook, deux heures après sa mise en ligne, la vidéo d'hommage avait été partagée plus de 350 fois.
Hommage à Pierre Truche, avocat général au procès Barbie
L'équipe du Mémorial a également souhaité rendre hommage à Pierre Truche. Le magistrat lyonnais avait été l’avocat général au procès de Klaus Barbie à Lyon en 1987. Il s’est éteint le 22 mars dernier. L'équipe du Mémorial a rappelé que "c’est grâce à l’engagement d’hommes et de femmes tels que Sabine Zlatin, Pierre-Marcel Wiltzer, Serge et Beate Klarsfeld, Pierre Truche que la mémoire des combats d’hier devient une force pour l'avenir."
Le tragique destin des 44 enfants et 7 adultes
La Maison d’Izieu a été ouverte par Sabine et Miron Zlatin durant la deuxième guerre mondiale. Elle a servi de refuge, entre mai 1943 et avril 1944, à plus d’une centaine d’enfants juifs. Des enfants et des adolescents venus de toute l'Europe étaient soustraits aux persécutions antisémites dans cette colonie de l'Ain. Mais c'est au petit matin du 6 avril 1944, que les 44 enfants et 7 éducateurs qui se trouvaient dans cette maison, ont été raflés et déportés sur ordre de Klaus Barbie, un des responsables de la Gestapo de Lyon. À l’exception de deux adolescents et de Miron Zlatin, fusillés à Reval (actuelle ville de Tallinn) en Estonie, le petit groupe a été déporté dans le camp d'extermination d'Auschwitz. Seule une adulte en revient, Léa Feldblum, tous les autres sont gazés dès leur arrivée.
La Maison d'Izieu au coeur du procès Barbie, à Lyon
Klaus Barbie, surnommé le "boucher de Lyon" et à l'origine de la rafle d'Izieu, a été traqué et ramené en France pour être jugé par Beate et Serge Klarsfeld. Ces derniers ont été aidés par Fortunée Benguigui et Ita-Rosa Halaunbrenner, deux mères d’enfants raflés à Izieu. Barbie est ramené en France en 1983, au terme d'une longue traque de dix ans. L'ancien SS était notamment poursuivi pour la rafle de la rue Sainte-Catherine à Lyon, l'organisation du dernier convoi de la mort parti de Lyon et la rafle d'Izieu.
Le Mémorial d'Izieu conserve d'ailleurs le photostat du télégramme de Barbie relatif à la rafle d'Izieu. Ce document historique et juridique essentiel annonce la rafle de la colonie, dénombre les personnes arrêtées et mentionne leur transport à Drancy le 7 avril 1944. Ce document avait été produit au procès de Nuremberg. Il a servi à établir le crime contre l'Humanité, au nom de la France, au procès de Nuremberg.
Avec la mobilisation de nombreux témoins, l'ancien chef de la Gestapo a été jugé et condamné à Lyon en 1987, pour "crime contre l’Humanité". Ce procès a définitivement ancré la rafle d’Izieu dans la mémoire nationale de la Shoah.
Devoir de mémoire
Depuis le décret du président de la République du 3 février 1993, la Maison d’Izieu est, avec l’ancien Vélodrome d’Hiver et l’ancien camp d’internement de Gurs, l’un des trois lieux de la mémoire nationale des victimes des persécutions racistes et antisémites et des crimes contre l’humanité commis avec la complicité du gouvernement de Vichy dit « gouvernement de l’État français » (1940-1944). le mémorial de la Maison d’Izieu est inauguré le 24 avril 1994 par le Président François Mitterrand.La Maison d'Izieu, mémorial des enfants juifs exterminés est un lieu de mémoire, d’éducation et de vie pour comprendre le crime contre l’humanité et agir contre toute forme de discrimination www.memorializieu.eu