C'est un phénomène naturel qui ravit les amateurs de balades et surtout de fleurs. Dans l'Ain, le Plateau de Vergongeat est garni de jonquilles. Elles poussent dans une forêt communale, et ont même tendance à agrandir leur zone d'implantation d'année en année. Un beau rendez-vous printanier.
C'est un secret pas vraiment bien gardé ! Quand les beaux jours arrivent, les chemins qui montent au Plateau de Vergongeat sont vite saturés les week-ends. Les axes qui passent par des hameaux de Coligny se transforment en routes touristiques. D'ailleurs, les pancartes qui accueillent les visiteurs ressemblent à ces panneaux marrons croisés sur l'autoroute. On y promet un "Site Naturel Exceptionnel", qu'il faut respecter.
Après quelques lacets, la lisière de la forêt "miraculeuse" est en vue. C'est un lieu communal, dont le maire s'interdit d'interdire l'accès.
"La jonquille, c'est l'or de Coligny, clame fièrement Bruno Raffin, on ne peut pas empêcher les gens de venir. Alors on s'adapte, on fait un sens de circulation pour monter et redescendre, et on gère l'afflux comme on peut. Parfois, les conducteurs s'échangent des noms d'oiseaux, que voulez vous, c'est le printemps !"
Ce qui rend le maire sûr de son choix, c'est la profusion et le comportement des cueilleurs. Il suffit de faire quelques centaines de mètres dans les sous-bois pour découvrir un tapis vert avec des pointes jaunes. Les jonquilles sont là, par milliers. "Et il y en a de plus en plus, elles descendent même du Plateau."
Les gens savent qu'il faut pincer la tige pour ramasser une fleur, qu'il ne faut pas tirer dessus au risque de faire venir le bulbe avec. C'est lui qui assure la régénérescence. Les promeneurs ont droit à un bouquet dans une main par personne. Globalement, ils font attention.
D'habitude, une fête de la jonquille est aussi organisée pour permettre à des associations locales de gagner quelques sous avec la buvette. Cette année, Covid oblige, les activités se limitent à la cueillette.
"C'est un endroit qui fait du bien au moral, lance une mère de famille, un beau bouquet dans la main. On sent le printemps même si on est qu'en février. On ne peut que la respecter cette nature qui nous fait ce cadeau. On apprend ça à nos enfants."
Reportage Franck Grassaud et Maryne Zammit
Pourquoi un tel coin à jonquilles ?
Le coin aux jonquilles est connu depuis longtemps, très longtemps, entre Bresse et massif jurassien.
"Elles ont trouvé leur milieu, un substrat important, du soleil, -comme on est au sommet d'une montagne-, de l'humidité", explique le botaniste amateur Yves Guettet. "Vous savez, les plantes elles poussent où ça leur plaît !"
"C'est une station, comme on dit dans notre jargon, détaille encore le président de l'association Connaissance de la Flore de l'Ain. En temps normal, soit on a des jonquilles naturelles ou 'naturalisées' c'est à dire qui se sont 'échappées' des jardins. Là, je pense que c'est des sauvages."
"Ce qui est surtout étonnant, c'est qu'elles perdurent malgré la cueillette. Leur milieu change peu, c'est sûrement pour ça. Ce n'est pas le cas de la tulipe sauvage qui a un peu plus de mal dans l'Ain."
Après la floraison, et malgré la cueillette, la jonquille continue sa vie, ce sont ses feuilles qui comptent. La terre est ici suffisament riche pour forcer le bulbe à se régénérer. Il fera des petits bulbes, des bulbilles, qui donneront l'année suivante de nouvelles plantes. C'est ainsi que le Plateau est désormais garni de jaune.