À Saint-Etienne-du-Bois dans l'Ain, Thierry Gallinica est un éleveur de poissons peu communs. Depuis fin 2022, il fait vivre des arapaïmas dans d'énormes bassins. Ces gros poissons sont originaires d'Amérique du Sud.
De l'Amazonie à la Bresse. Les arapaïmas de Thiery Gallicina, -plus gros poissons d’eau douce d'Amérique-, se retrouvent bien loin de leurs eaux natales. L'Aindinois les élève dans des bassins de 50 000 litres.
Également appelé pirarucu, en langue amérindienne tupi-guarani, le poisson est "préhistorique". Il peut atteindre une taille maximale de 4,5 mètres pour plus de 300 kg. C’est l’un des 10 plus gros poissons d’eau douce de la planète. Caractéristique insolite : il ne peut rester immergé que 10 à 20 minutes avant de devoir remonter à la surface pour respirer à l’aide d’une vessie natatoire, une poche remplie de gaz, semblable à un poumon. Une aubaine pour ceux qui le pêchent... Car derrière ses écailles, se cache une chair tendre.
Depuis 2022, Thierry Gallicina en élève en milieu fermé. Il a fait venir des alevins pour monter son entreprise. Le mordu d’aquariophilie souhaitait passer à la pisciculture depuis plusieurs années. Il s'est lancé dans l'élevage d'arapaïmas avec 600 têtes sans avoir besoin de recréer les conditions de l'Amazonie dans son bassin. "Le poisson est très résistant, il a une capacité d'adaptation importante. Il grandit très vite, il prend 80 à 100cm par an !". Une croissance intéressante économiquement : "on a un élevage court, sur un cycle de douze mois, on produit un poisson de dix kilos", détaille Thierry Gallicina
Circuit local d'un produit exotique
Après les avoir fait abattre par un pisciculteur, l'éleveur les propose à la dégustation en rillettes ou en poisson fumé. Dans un magasin paysan de Ceyzériat, non loin de Bourg-en-Bresse (Ain), Thierry vante régulièrement les mérites de ses produits. Le succès est au rendez-vous : "c'est très bon, un goût fumé et c'est original !", lance un client tenté par les saveurs exotiques.
"Le produit est peu connu et assez fin. On a une texture plus fine que le saumon et moins gras, donc intéressant en bouche. C'est raffiné.", explique Thierry Gallicina qui veut mettre "le paquet" sur la partie commerce. Il vend à des restaurateurs, des épiceries fines, des magasins paysans et reste à la recherche d'autres distributeurs. L'éleveur mise sur l'intérêt pour les produits locaux et le circuit court, paradoxal pour son poisson venu de loin : "dans l'immédiat, je ne cherche pas à vendre plus loin qu'à Lyon ou dans le Pays de Gex".
Pour l'instant, en raison des coûts de transformation, la chair se vend entre 80 et 100 euros le kilo. Thierry Gallicina pense à d'autres débouchés en travaillant avec des tanneurs. "La peau donne un cuir d'une qualité extraordinaire !", assure l'éleveur. Les écailles sont aussi prisées.
Aujourd'hui en Amérique du Sud, les élevages sont très nombreux mais la chair de l'arapaïma a longtemps été victime de la surpêche, au point de frôler l'extinction dans les années 1990. L'espèce est inscrite en annexe 2 de la convention internationale sur le commerce des espèces menacées (CITES), sa pêche avait été interdite dans certains Etats amazoniens du Brésil. Depuis une décennie, les communautés locales brésiliennes ont développé un modèle de pêche durable, en établissant un quota de capture. Le gouvernement fédéral autorise la pêche de jusqu’à 30 % des arapaïmas adultes dans les zones protégées, tandis que les poissons de moins d’un mètre cinquante ne peuvent pas être pêchés.