Justice. Les recours épuisés, Jean-Claude Romand en liberté conditionnelle

Jean-Claude Romand a quitté la prison après 26 ans derrière les barreaux. L'homme avait trompé ses proches avant de tuer son épouse, ses deux enfants et ses parents alors que la vérité menaçait d'éclater. La famille de sa femme défunte n'avait plus de recours pour l'empêcher de sortir. 

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Jean-Claude Romand, le faux médecin condamné à perpétuité, est donc sorti de prison vers 3h30, vendredi 28 juin, et a pris la direction d'une abbaye de l'Indre. L'abbaye de Fontgombault accueille des personnes souhaitant passer une retraite spirituelle, des hommes mais aussi des femmes et des familles, "profitant des offices monastiques et du silence des lieux", lit-on sur le site internet de la commune.

"Il est sorti cette nuit" en application d'une décision de libération conditionnelle, a indiqué son avocat Jean-Louis Abad. "C'est une décision de justice, il n'y a pas de commentaire à faire. L'arrêt de la cour d'appel a été mis à exécution", a souligné l'avocat.

Interview

Le 25 avril la cour d'appel de Bourges lui a accordé cette liberté conditionnelle. Aujourd'hui âgé de 65 ans, Romand est placé sous surveillance électronique pendant une période probatoire de deux ans, avant d'être soumis pendant dix ans à des mesures d'assistance et de contrôle.

"En tant que partie civile, nous n'avions plus de recours", précise Emmanuel Crolet, le frère de l'ex femme de Romand, la Cassation ne pouvait être demandée que par le Parquet ou en cas d'un nouvel élément pouvant remettre en cause le processus, ce qui n'a pas été le cas."

Le meurtrier a interdiction de se rendre dans les régions Ile-de-France, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes, là où les proches de ses victimes résident. 

Récit Sophie Valsecchi
Jean-Claude Romand qui est sorti de prison après 26 ans derrière les barreaux, a trompé ses proches pendant plus de quinze ans, avant de tuer son épouse, ses deux enfants et ses parents lorsque la vérité a menacé d'éclater. ©France 3
      

Faux médecin et escroc

Fils unique et bon élève, Jean-Claude Romand intègre en 1971, à 17 ans, une classe de mathématiques supérieures dans un lycée réputé de Lyon, pour préparer l'école des Eaux et forêts, mais abandonne au premier trimestre. "C'est mon premier échec", dira-t-il à son procès, en juin 1996. Ne pouvant avouer son renoncement à son père, gestionnaire de domaines forestiers, il invoque des raisons de santé.

Il s'inscrit ensuite en médecine, "peut-être" pour se rapprocher de Florence, une cousine par alliance qui deviendra plus tard sa femme et fait une formation de pharmacienne.

Il rate de quelques points son examen de fin de deuxième année, mais affirme à ses proches l'avoir réussi. Dix ans durant, jusqu'en 1986, il s'inscrira en deuxième année à la faculté de médecine de Lyon, tout en suivant les cours des années suivantes.

 L'"imposture" a commencé là, dira-t-il devant la cour d'assises de l'Ain, parlant de "peur de l'échec" et de "l'injustice" des diplômes.

Entre-temps, il a épousé Florence et ils ont eu deux enfants. Il prétend être médecin-chercheur à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève. En fait, il passe ses journées dans sa voiture, à la cafétéria ou à la bibliothèque. Ses lectures lui permettent d'approfondir ses connaissances médicales.

Il fait vivre son ménage en escroquant parents et amis, prétendant placer leurs économies en Suisse pour les faire fructifier.

En 1988, son beau-père fait une chute mortelle dans les escaliers de sa maison en Haute-Savoie, en sa seule présence. L'homme avait demandé restitution d'une partie d'une importante somme d'argent qu'il lui avait confiée.
 

"Ne pas décevoir"

Pour ses juges, c'est parce que certains de ses proches ont découvert son imposture, tandis que d'autres lui réclament leur argent, qu'il tuera toute sa famille cinq ans plus tard.

Jean-Claude Romand, lui, pense s'être laissé entraîner de petits en gros mensonges pour "ne pas décevoir les siens", avant de se dire un jour que "la mort était le seul passage pour éviter la souffrance".

Le 9 janvier 1993 au matin, il tue son épouse de 37 ans, endormie dans leur maison à Prévessin-Moëns (Ain), près de la frontière suisse, en la frappant avec un rouleau à pâtisserie. Puis, selon son propre récit, il demande à sa fille de sept ans, Caroline, de s'allonger pour qu'il prenne sa température, avant de lui tirer dans le dos à la carabine. Il fait de même avec son fils Antoine, cinq ans.

Il se rend ensuite chez ses parents à Clairvaux-les-Lacs (Jura), à environ 80 km. Après un déjeuner tranquille, il les tue eux aussi, l'un après l'autre, de plusieurs balles dans le dos après les avoir attirés à l'étage sous de fallacieux prétextes.

Il rejoint le même jour à Paris son ancienne maîtresse, qui lui avait confié une grosse somme d'argent, et la conduit en forêt de Fontainebleau pour un prétendu dîner avec Bernard Kouchner. Vers 23H00, il arrête la voiture, asperge la jeune femme avec une bombe lacrymogène, mais renonce à son projet d'assassinat devant ses hurlements et supplications.

Il rejoint le lendemain la maison familiale où gisent sa femme et ses enfants. Au petit matin du 11 janvier, il ingère des barbituriques - une dose mortelle selon lui - et incendie la maison. Quand les pompiers arrivent, ils le trouvent inconscient mais vivant. 

Dans une enveloppe retrouvée dans sa voiture par les enquêteurs, l'homme de 38 ans a laissé ce message: "un banal accident et une injustice peuvent provoquer la folie. Pardon".
 
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