Le témoignage de Jean-Yves qui accuse l'Eglise d'avoir fait de lui un pédophile

Mardi 14 mai, une audience a eu lieu devant le juge des référés du TGI de Bourg-en-Bresse. Un retraité de 67 ans, abusé par un prêtre pendant son enfance et lui-même devenu pédophilie, réclame le dossier religieux de son agresseur pour prouver que l'Eglise l'a couvert. 

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En octobre 2018, le retraité de 67 ans avait témoigné sur France 3 Rhône-Alpes sous couvert d'anonymat, se faisant appeler Antoine (voir la vidéo). Un anonymat qui est tombé avec l'audience qui s'est déroulée ce mardi devant le juge des référés du TGI de Bourg-en-Bresse. 
 

Le retraité rend l'Eglise responsable de sa déviance

Jean-Yves Schmitt (alias Antoine) était pensionnaire au lycée Lalande de Bourg-en-Bresse lorsqu'il a été victime d'actes pédophiles de la part d'un prêtre, aumônier dans cet établissement dans les années 60. Des faits et des souffrances longtemps gardés secrets.

Plus tard, Jean-Yves a sombré et est lui-même devenu un prédateur. Il a été condamné à deux reprises et a passé une dizaine d'années en prison.

Durant une psychothérapie, le multirécidiviste a compris qu'il avait lui-même été "programmé dans sa déviance". En 2015, il a réussi à faire condamner le prêtre qui l'avait agressé, par le juge de proximité de Nantua. La condamnation s'est résumée à 1 euro de dommages et intérêts, en raison de la prescription. 

Jean-Yves ne veut pas en rester là. "Le plus important, ce n'est pas ce qui m'est arrivé mais ce qui est arrivé aux autres par ma faute", déplore le retraité. Il a décidé de s'en prendre à l'Eglise, en demandant réparation.

"J'ai pardonné au prédateur, à l'ecclésiastique. Mais la justice doit reconnaître que j'ai été victime et le Vatican doit le reconnaître", explique-t-il dans une interview accordée à France 3 Rhône-Alpes l'automne dernier. "C'est la seule manière de le faire car ils ont tendance, jusqu'à maintenant, à protéger leurs prédateurs".
 

Le Saint-Siège assigné en justice

Après Bourg-en-Bresse, l'agresseur de Jean-Yves Schmitt a passé plusieurs années en Suisse. Récupérer son dossier auprès des instances religieuses permettrait de prouver que cette mutation était plus une exfiltration. C'est pour cela qu'une audience a eu lieu mardi

Mais l'avocat de Jean-Yves Schmitt, Me Ludot, a aussi adressé au Saint-Siège une lettre d'assignation à comparaître devant le tribunal de Bourg-en-Bresse. Le Saint-Siège, -représentation diplomatique et religieuse de l'Etat du Vatican-, est responsable juridiquement, selon l'avocat. Me Ludot a demandé 50 000 euros de dommages et intérêts.

La lettre d'assignation est revenue avec la mention "refusée". Un refus de comparaître qui n'empêchera pas le procès le 23 mai prochain.
  • Revoir le reportage du 24 octobre 2018
Antoine, agressé durant son enfance, est devenu lui-même pédophile. Il a été condamné. Une lettre d'assignation a été envoyée au Saint-Siège. archives OCTOBRE 2018. ©France 3 RA


Quid de l'audience du mardi 14 mai?

Cette audience qui s'est déroulée devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Bourg-en-Bresse concernait le dossier religieux du prêtre. Pourrait-il contenir les preuves d'une discrète mise à l'écart en Suisse après les faits? L'Eglise était-elle au courant des agissements de l'aumônier? En Suisse, le religieux a travaillé à la représentation du Saint-Siège auprès de l'ONU.

Sollicité d'abord à l'amiable, le diocèse avait refusé d'ouvrir ses archives en invoquant le secret professionnel. Un argument repris devant le juge. A l'audience, le Père Hutin, 86 ans, a raconté que "vers 1972-1973", il cherchait à se rapprocher de sa mère près de la frontière suisse quand le représentant du Saint-Siège à Genève, qu'il aurait rencontré par hasard, lui avait proposé un poste de secrétaire. Sur ce point, le tribunal rendra sa décision le 28 mai.
 
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