Avec le développement industriel, le XIXe siècle a vu la création d'usines-pensionnats. Orphelines ou filles de cultivateurs se retouvaient dès le plus jeune âge dans une institution où elles travaillaient. Ce fut le cas aux Soieries Bonnet, dans l'Ain. Une pièce retrace leur destin.
On le sait peu, mais au début du XIXe siècle la fabrication textile souffrait du travail "négligé" de la main d'oeuvre saisonnière. Du coup, les patrons des soieries se sont aventurés vers de nouveaux modèles, pour assurer une production plus sûre.
La famille Bonnet va ainsi avoir l'idée de l'usine-pensionnat, à Jujurieux (Ain). On parlera aussi d'usine-couvent. Les Soeurs de Saint-Joseph de Bourg vont en effet s'occuper les jeunes filles appelés à travailler dans la préparation du fil. "Elles entraient dans les ateliers à l'âge de 12 ans, pour en ressortir à 20 ans, en moyenne, si elles ne devenaient pas ouvrières", raconte Marie-Hélène Chiocca, auteure de "Les Soyeuses".
La vie était rythmée par le travail et par les offices religieux. Un court répit leur était offert le dimanche après-midi, pour une balade dans la campagne. C'est parfois là qu'elle rencontrait l'amour et s'échappaient ainsi de ce monde un brin carcéral.
"C'est compliqué de comprendre le contexte avec nos yeux du XXIe siècle", explique Henri Gruvam, metteur en scène. "Avec ce travail, elles décrochaient un certain statut social, elles ne risquaient plus la misère. Même s'il y a beaucoup à dire, aussi, sur le travail des enfants". Ces adolescentes devaient souvent supporter l'odeur nauséabonde des cocons ébouillantés ou rester debout durant des heures et des heures, jusqu'à la fin de leur tâche.
Il s'agissait de filles de cultivateurs de la région, de l'Ain, de la Saône-et-Loire et des Alpes. Des orphelines venaient aussi de Lyon.
L'usine-pensionnat de Jujurieux a accueilli parfois plus de 600 enfants ouvrières qui passaient chaque jour au pied du père des soieries, Claude-Joseph Bonnet, perçu comme bienfaiteur.
C'est toute cette histoire que la pièce "Les Soyeuses" raconte. Ces destins qui tenaient à un fil... de soie. Marie revient dans l'usine où elle a grandi, croise les fantômes de son passé et décrit ainsi à merveille l'ambiance de ce temps abandonné au travail et à la religion. Un temps où l'on rêvait aussi, et la musique de Thibaut Rocheron nous plonge dans leurs têtes, dans ce désir d'un prince charmant.
Même si l'auteure et le metteur en scène se défendent d'avoir voulu basculer dans le théâtre documentaire, une visite au musée des Soieries Bonnet nous prouve qu'ils ont respecté l'Histoire.
Reportage Franck Grassaud, Pierre Lachaux et Pascal Morin
A voir
JEUDI 26 JANVIER 20H30VENDREDI 27 JANVIER 20H30
Au Théâtre de Bourg-en-Bresse
Durée: 1h30
A voir en famille | à partir de 11 ans
Musée des Soieries Bonnet à Jujurieux
Musée ouvert du 1er mai au 31 octobre tous les jours de 10h à 13h et de 14h à 18h, jours fériés inclus.