Meurtre de Montréal-la-Cluse (Ain) : 13 ans plus tard, le temps du procès qui débute ce lundi

Lundi 28 mars débute le procès de Mamadou Diallo, meurtrier présumé de Catherine Burgod, assassinée lors du braquage de l’agence postale de Montréal-la-Cluse dans l'Ain le 19 décembre 2008.

Il faudra bien six jours de procès pour espérer faire enfin émerger la vérité dans cette affaire où bien des points d’interrogation restent en suspend. D’un côté, une avocate de la défense de l’accusé, Mamadou Diallo, 18 ans au moment des faits. Qui certifie que son client ne peut pas, mécaniquement, être le meurtrier. De l’autre, des parties civiles qui veulent enfin comprendre ce qui s’est passé ce 19 décembre dans la petite poste du village situé en bordure du lac de Nantua. Et un grand absent, l’acteur Gérald Thomassin, blanchi, mais dont nul ne sait vraiment s’il est, d’une manière ou d’une autre, et à quel niveau, lié à cette affaire.  

La famille réclame la vérité, enfin

Après moult rebondissements lors de l’instruction, ce procès a donc tous les attributs des grands procès, de ceux dont la part de suspense révélera ou pas la vérité tant attendue. Qu’elle soit purement judiciaire ou cette vérité du cœur que les proches espèrent depuis toutes ces années. Onze ans de procédure et quatre mille côtes du dossier y suffiront-ils ?

Pour Me Sévérine Debourg, l’avocate des parties civiles, qui représente le père de la victime, son ex-mari et ses deux enfants et son compagnon, ses clients réclament justice. Ils attendent des explications, de savoir ce qu’il s’est réellement passé ce vendredi macabre. «Quand on a perdu un être cher, on est en souffrance, on a besoin de ce procès pour que soient réévoqués les faits, dans un contexte où les évolutions de l’instruction les ont emmenés dans un tas de directions».

 Aujourd’hui, Justine, la petite fille de 8 ans, est une jeune femme de 21 ans. Avec son grand frère, Cédric, ils sont en questionnement permanent. Tous les deux ont grandi et traversé ces années sans savoir ce qui était arrivé à leur mère, Et pourquoi elle est morte dans ces conditions violentes et atroces.  

Mais c’est sans doute Raymond, le père de Catherine Burgod, qui est le plus en attente de réponses. Le procès autour du drame de sa fille est le combat de sa vie, n’hésite pas à clamer son avocate, qui fait un aparté sur Gérald Thomassin, suspecté un temps d’être lié au meurtre, avant in fine d’être blanchi : «Ce n’est pas le procès de Thomassin ! La chambre de l’instruction a considéré et validé que les éléments du dossier permettaient de dire qu’il y avait suffisamment de charges pour que l’on juge Mamadou Diallo pour les faits de vol mais surtout du meurtre de Catherine Burgod». Sa crainte ? Que la défense s’engouffre dans le dossier Thomassin qui a fait l’objet d’une partie non négligeable de l’instruction pendant de longues années «afin d’égarer les jurés».

«Notre volonté n’est pas de faire le procès d’un absent qui a été largement médiatisé, mais de faire un procès à partir des éléments qui ont été retenus. En tant que parties civiles, on s’attachera à ramener le dossier là où il doit être !» A savoir la présence de l’ADN de Mamadou Diallo sur la scène du crime. Et des éléments de timing assortis de nombreuses versions, autant de choses qui n’ont pas de sens, «si ce n’est qu’il soit l’auteur de ce qu’on lui reproche», insiste Me Debourg qui revient sur le mobile du jeune stagiaire de l’époque : le vol, l’argent. «On peut imaginer qu’il ait perdu pied à ce moment-là, avec un acharnement qui peut être lié à l’attitude de la victime, qui tentait de se défendre, qui a résisté à son assaillant».

Nous, la scène de crime, on la constate. Expliquer une scène de crime, il n’y a que celui qui était présent et qui a commis l’acte qui peut le dire.

Me Debourg

Mamadou a avoué le vol mais pas le meurtre

Côté défense, la présence d’ADN du jeune Mamadou sur la scène de crime ne signifie pas pour autant qu’il soit le meurtrier. «Cela démontre qu’il fait partie de la scène, mais pas qu’il est coupable, affirme Me Sylvie Noachovitch, célèbre pénaliste parisienne.  

Mamadou Diallo clame son innocence. Selon l’avocate, il a donné sa version qui correspond effectivement à ce que l’on constate sur les lieux. Elle rappelle, selon elle, l’enchainement des faits : «Son ADN est retrouvé sur le monnayeur, car il est rentré dans la poste, où il n’y avait personne. Il va dans l’arrière-salle où il découvre malheureusement le cadavre de Catherine Burgod. Dans la panique, alors qu’il a pu toucher du sang qu’il y a sur le corps, il s’essuie sur un sac, puis il sort de la poste. Au passage, apercevant des liasses de billets de 20 euros, il les prend. Il y avait entre 400 à 500 euros. Les enquêteurs voient ses traces de pas, Puis il repart et quitte les lieux».

Mais l’avocate insiste : pas une seule fois, on ne retrouve l’ADN de Mamadou Diallo sur le corps de Mme Burgod ou sur le coffre-fort. Ce qui prouverait son innocence : «Il ne portait pas de  gants, donc s’il avait commis ce cambriolage et tué la postière, on aurait retrouve son ADN sur le corps de la victime, ou sur le torchon qui était au-dessus de sa tête. Ou encore sur le coffre-fort. Le doute doit bénéficier à l’accusé !»

Mamadou Diallo est jeune, il a paniqué, il est noir, il s’est dit qu’on allait penser que c’était lui le meurtrier

Me Noachovitch

Des pistes laissées de côté dans l'enquête

Dans ce procès, il sera nécessaire de lever une somme d’énigmes qui ont jalonné l’affaire depuis ses débuts. L’enquête est-elle allée au bout des choses, des questionnements ? Ainsi, à qui appartient cet ADN que l’on retrouve dans le torchon maculé de sang de la victime et qui n’appartient pas à Diallo ni à Thomassin ? Pourquoi, demande l’avocate, tant d’errances s’agissant de Gérald Thomassin dont les experts estiment qu’il est dangereux, voire irresponsable, et dont le couteau qu’il porte en permanence sur lui pourrait être l’arme du crime ? Et ces aveux répétés par Thomassin, devant deux témoins, avant même que la presse n’évoque le drame ?  Et le fait que Thomassin relate des faits précis, comme la disparition [constatée par les enquêteurs] de 3 000 euros ? Le fait qu’elle aurait «trop parlé» ? de sa volonté de quitter son mari ?

Me Sylvie Noachovitch s’étonne aussi de la non-suite des demandes formulées par le procureur. Il aurait demandé que Thomassin soit mis en accusation afin d’être cité devant la cour d’assises. Sauf qu’entretemps, l’ancien acteur avait disparu, sorti des radars, après avoir été blanchi. Le réquisitoire du procureur réclamait son renvoi devant les assises tout comme celui de Diallo car il estimait que Thomassin pouvait être impliqué dans ce meurtre… Et l’avocate de poser une dernière question : «Que dire du mari de Catherine Burgod, enceinte depuis une semaine, et qui avait annoncé sa volonté de se séparer de lui la veille de son assassinat ?  Il aurait pu être un suspect, mais aujourd’hui il est partie civile. L’enquête le concernant s’était arrêtée parce que tout simplement on l’avait dit triste», s’étrangle Me Noachovitch.

Catherine Burgod est en effet morte après avoir reçu 28 coups de couteau. Un acte criminel qui semble davantage relever du passionnel que d'un voleur à la petite semaine qui aurait probablement fui les lieux dès le premier coup porté.

On l’aura compris, six jours ne seront pas de trop pour démêler le vrai du faux, faire parler la réalité des faits, énoncer la vérité. Pour comprendre ce qui s’est passé il y a 13 ans dans la tranquille bourgade bugiste. Pour que s’apaise, enfin, la souffrance.

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