Permis à 17 ans : "on veut faire des gamins de futurs acheteurs de voiture, c'est complètement à côté de la plaque"

À partir de janvier 2024, les jeunes pourront passer leur permis à partir de 17 ans, a annoncé Elisabeth Borne. Une mesure accueillie avec méfiance par plusieurs associations de prévention routière.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Jean-Pascal Thomasset est directeur de l'association Avema dans l'Ain et membre du Conseil national de la sécurité routière. À ce titre, il participe aux nombreuses réflexions autour de la prévention routière : "les actualités du secteur, nous les connaissons" explique-t-il en guise d'introduction. "Mais le permis à 17 ans n'a jamais été à l'ordre du jour du gouvernement, c'est une surprise pour tout le monde", regrette-t-il. 

"Ce type de dispositif existe à l'étranger, au Royaume-Uni par exemple, nous aurions pu mener des enquêtes, faire remonter des observations et installer une expérimentation sur un territoire donné avant d'annoncer une décision d'une telle ampleur".

Principal argument : les risques d'accidents graves ou mortels. Les jeunes de 18/25 ans sont en effet à l'origine de la majorité des accidents mortels sur la route.

Alcool et stupéfiants 

Les accidents de la route sont la première cause de mortalité et de handicap chez les 18-24 ans en France. L'alcoolémie excessive est la cause d'un accident sur quatre dans cette tranche d'âge. "C'est là-dessus qu'il faut porter toute notre attention ! estime Jean-Pascal Thomasset. La priorité aujourd'hui, c'est l'alcool des jeunes au volant et l'utilisation de stupéfiants car dans la moitié des accidents impliquant des jeunes, ils en avaient consommé". 

Le directeur de l'association Avema de l'Ain se demande également à quel besoin répond cette mesure. "Nous intervenons en milieu scolaire, et quasiment jamais cette demande n'a été formulée. Personne ne l'a demandé ! Certes, dans les milieux ruraux notamment, les jeunes ont des problèmes de mobilité, mais ce qu'il faut, c'est développer les moyens de transport, investir dans le covoiturage... Car désormais qui va pouvoir se payer le permis à 17 ans et s'acheter une voiture ? Les plus aisés, affirme-t-il et on va renforcer les inégalités".

Un niveau exigeant 

La Première ministre n'est pas de cet avis. Lors de son annonce, le mardi 20 juin 2023 sur le média Brut, elle a estimé que "cette mesure serait un vrai plus, notamment pour les jeunes en apprentissage".
Actuellement, seuls les jeunes qui ont suivi la conduite accompagnée peuvent déjà passer le permis B à 17 ans, mais ils n'ont pas le droit de prendre le volant seuls, avant 18 ans. Ce seuil sera donc abaissé d'un an. L'aide de 500 euros versée aux apprentis pour financer leur permis sera en outre élargie aux élèves des lycées professionnels, a ajouté la cheffe du gouvernement.

Quant aux risques d'accidents, Elisabeth Borne a promis d'être "très attentive sur le niveau demandé" pour obtenir le permis. Dans une étude menée dans le département du Rhône sur les 14 24 ans entre 2013 et 2021, on constate que dans 7 cas sur 10, les victimes sont conductrices de leur véhicule, en large majorité des voitures personnelles.

La voiture individuelle : un modèle dépassé ? 

"On veut faire des gamins de futurs acheteurs de voiture, c'est complètement à côté de la plaque. À l'heure de la congestion des grandes villes, de la crise écologique, il faut promouvoir des modes collectifs de déplacements, des modes doux ou alternatifs. Mais, le modèle de la voiture individuelle est derrière nous maintenant, il faut le comprendre !", analyse Jean-Pascal Thomasset.

À ceci, il ajoute que selon le Fonds de garantie des victimes, un conducteur en défaut d'assurance sur deux a moins de 30 ans. "Les jeunes sont très mal assurés et que se passera-t-il en cas d'accident à 17 ans ? Qui aura la responsabilité ?", interroge-t-il, regrettant une nouvelle fois d'avoir appris cette nouvelle par voie de presse. 

Des délais plus longs à prévoir 

Cependant, plusieurs problèmes s'annoncent déjà pour début 2014, particulièrement en ce qui concerne le nombre d'examinateurs qui fait déjà défaut dans plusieurs départements. C'est ce que confirme Maxime Bourgeois, secrétaire national du Syndicat autonome national des experts de l’éducation routière et de la sécurité routière. Il souligne également les tensions au niveau du nombre de moniteurs formés. Pour son syndicat, cette mesure relève davantage d'un effet de communication à destination de la jeunesse, car aujourd'hui l'âge moyen de passage du permis de conduire est de 23 ans. "Je ne suis pas persuadé que l'on progresse avec cette mesure et il va falloir se préparer à des délais plus longs pour obtenir des heures de conduite et des dates d'examen." 

Aujourd'hui en France, on compte 1300 inspecteurs du permis de conduire pour 1.300.000 places d'examen. Si toute la tranche des 17-18 ans se lance, il n'y aura plus assez de places pour tout le monde. 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information