La nomination de Damien Abad, atteint d'une maladie rare, au poste de ministre des Solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées était un symbole, applaudi par les acteurs du secteur. Mais visé par des accusations de viols, son maintien au gouvernement était devenu impossible.
Ex-chef des députés LR à l'Assemblée nationale, son entrée dans l'équipe d'Elisabeth Borne avait des allures de prise de guerre pour le président Emmanuel Macron qui cherchait à élargir sa majorité, tout en enfonçant un nouveau coin dans les rangs de la droite.
L'ambitieux Damien Abad, 42 ans, tenant d'une droite "populaire et sociale", honni par ses anciens amis, abandonné par ses nouveaux camarades, aura tout perdu ou presque: il aura juste conservé son poste de député de l'Ain occupé depuis 2012, en glanant un troisième mandat avec 57,86% des voix au second tour des élections législatives de juin.
Un symbole "violent"
Mince consolation pour cet homme à la mobilité entravée, atteint d'une maladie rare, l'arthrogrypose, qui bloque ses articulations, et dont la nomination faisait figure de symbole. "Qu'une personne en situation de handicap puisse arriver à ce niveau-là, c'est un signal important", d'autant qu'il "connaît très bien les sujets, il sait de quoi il parle, techniquement et politiquement", commentait Pascale Ribes, présidente de l'association APF France Handicap.
Mais dès le lendemain de sa nomination, Médiapart relayait des accusations à son encontre de viols, datant de 2010 et 2011. Les plaintes furent classées en 2012 puis 2017.
La semaine dernière, une plainte était cependant une nouvelle fois déposée avec, à la clef, l'ouverture d'une enquête préliminaire pour tentative de viol.
"Politiquement, c'est comme si on n'avait pas de ministre", commentait alors acerbe un cadre de la majorité. Il n'a "aucune capacité d'action". Avec des éléments "très documentés" sur son comportement, ce n'était dans "l'intérêt de personne qu'il reste", jugeait-il.
Le remaniement a permis de régler le problème. "Quoi qu'il ait fait, il est extrêmement fragilisé. Il est affaibli et risque de ne pas avoir le poids politique suffisant, c'est une situation fortement préjudiciable pour lui mais aussi pour nos sujets", regrettait Pascale Ribes.
"Il passait une partie de son temps à organiser sa défense", selon Pascal Champvert, de l'association Ad-Pa qui regroupe des directeurs de maisons de retraite et de services d'aide à domicile pour personnes âgées.
"Il n'avait pas toute la disponibilité pour gérer les questions majeures du secteur", confronté notamment à l'"urgence" du manque d'effectifs. Vendredi alors que des rumeurs de démission se faisaient pressantes, l'entourage du ministre assurait qu'il était "pleinement à sa tâche" avec une réunion ce jour-là avec les directeurs d'Agences régionales de santé (ARS).
Un petit tour et puis s'en va
Peu après la formation du premier gouvernement Borne et les accusations contre Damien Abad, la Première ministre avait déclaré ne pas avoir été "au courant" et prévenu que si la justice était saisie, elle en tirerait "toutes les conséquences", rejetant toute "impunité". Fustigeant un "calendrier soigneusement choisi" et la "partialité" du média d'investigation, M. Abad a toujours réfuté "catégoriquement" les accusations.
L'affaire a entaché les débuts du gouvernement dirigé pour la deuxième fois de l'histoire par une femme. La Nupes laissait présager du "chahut" pour couvrir la voix du ministre s'il s'exprimait à l'Assemblée nationale. Les appels à sa démission se multipliant dans l'opposition et chez les féministes, son maintien au gouvernement devenait le caillou dans la chaussure. L'enquête ouverte par le parquet le 29 juin a scellé définitivement le sort de M. Abad. Il a été remplacé par le patron de la Croix-Rouge Jean-Christophe Combe.