C’est une maman hors du commun. Aline, 106 ans, vit dans sa maison de retraite près de Vichy, dans l’Allier. Avec son fils, elle revient sur une vie bien remplie, elle qui a traversé le siècle.
Dimanche 4 juin, à l’occasion de la fête des mères, Aline recevra sûrement un joli bouquet de fleurs dans sa maison de retraite de Bellerive-sur-Allier, près de Vichy. Aline Méténier est la doyenne de son EHPAD. Elle y a fêté ses 106 ans en janvier dernier. « Je n’ai pas le secret de ma longévité. C’est venu comme ça. J’ai eu quelques pépins de santé comme tout le monde. Je ne ressens pas grand-chose à l’idée de dépasser les 106 ans. J’ai vécu quelques belles années. Avant, c’était beaucoup plus facile. Il y avait moins de complications, la vie était plus calme » indique-t-elle. Née en 1917 à Couleuvre, elle a vécu dans l’Allier et 14 ans à Clermont-Ferrand. Son père était facteur. Il a été muté à Vichy et la famille l’a suivi. Aline a été mariée une première fois avec André, un militaire. Elle avait 16 ans et demi. Elle a eu une fille, Annie, en 1936, à l’âge de 19 ans. Aline était mère au foyer. Aline divorce en 1949, après 16 ans de mariage. Elle a refait sa vie et s’est remariée en 1954 avec Charles. Son fils Pierre-Claude est né en 1957.
Une "maman très aimante"
Ce dernier, âgé de 65 ans, évoque sa mère : « Aline est une maman très aimante. Elle faisait l’équilibre avec mon papa qui était plus dur. Elle était plus souple. J’ai essayé de prendre cet exemple pour mes enfants, elle m’a toujours laissé faire ce que je voulais professionnellement, assouvir mes rêves et me dire que rien n’est impossible. Même les choses impossibles, on peut essayer de les tenter. Avec mon papa, ils ont insisté sur certaines valeurs, notamment le travail. J’ai vu mes parents travailler dur ». Il est conscient de la longévité exceptionnelle de sa mère : « C’est une maman un peu hors du commun. Même à son âge, j’ai du mal à me dire qu’elle va partir un jour. Tout se prolonge. On espère qu’elle pourra voir arriver un 3e arrière petit-enfant, prévu pour novembre. C’est très réjouissant de voir cette famille qui s’agrandit. On regrette un peu de ne pas avoir assez profité d’elle quand elle était très bien ». Pierre-Claude a entamé un travail de mémoire avec sa mère : « Depuis peu de temps, on essaie d’emmagasiner beaucoup d’informations sur ce qu’elle a vécu. On a commencé à retranscrire ce qu’elle nous a raconté. On connaissait peu la période de 1917 à 1950. Elle a commencé à en parler à ses 100 ans. Elle n’abordait pas cette période de la guerre. Elle se souvient de tous les noms ». La centenaire a aujourd’hui deux petites-filles de 34 et 38 ans, deux arrières petites-filles de 4 et 10 ans et bientôt un troisième arrière-petit-enfant en novembre. Aline confie : « Pour élever ses enfants, il faut bien réfléchir. Cela dépend de leur tempérament. S’ils ont un tempérament volcanique, cela peut être difficile. Mais mes enfants étaient gentils. Ils n’ont pas été difficiles. J'ai été une maman anxieuse, car mon fils a été souvent malade jusqu'à l'âge de 12 ans. J'ai essayé d'accompagner mes enfants au mieux. Je leur ai donné beaucoup de liberté, en ne mettant jamais de barrières à leurs choix sportifs, scolaires ou autres".
De forts liens familiaux
La grand-mère a tissé des liens très forts avec ses petites-filles : « Je reçois des visites de mes petits-enfants. Je prends mon rôle de grand-mère très à cœur même si c’est difficile, à cause de la distance. Ils sont très affectueux. Ils me téléphonent. Les liens sont très forts. Depuis un an, ils m’ont abonnée à un magazine familial. Tous les lundis, je le reçois et je vois des photos de ma famille avec un résumé de ce qu’ils ont fait. C’est très réconfortant ». Aline se tient informée, en regardant les actualités à la télévision et en lisant le journal tous les jours. Dans son EHPAD, elle apprécie tout particulièrement la journée du lundi : « Le lundi, à la maison de retraite, j’aime bien participer à l’atelier aide-mémoire. Par exemple, on nous distribue des cartes à jouer et on doit les mémoriser. J’ai une bonne mémoire. La dernière fois, j’ai réussi à retenir 9 cartes ». Elle joue aussi au tiercé avec son fils. Pierre-Claude Méténier vit à Béziers. La visite mensuelle à sa mère est sacrée : « C’est important de venir la voir chaque mois. Cela lui remonte le moral car il y a des moments de creux. Sinon je l’appelle tous les jours. Cela fait 5 ans qu’elle vit là. Avant elle était autonome jusqu’à ces 101 ans ».
L'appel de la Résistance
Aline a joué un rôle pendant la Seconde guerre mondiale mais n’apprécie guère évoquer cette période. Elle raconte : « Pendant la guerre, j’allais chez un armurier et je transférais des armes pour le maquis. Je me suis fait arrêter deux fois par les Allemands avec des armes dans mes valises mais ils ne les ont pas ouvertes heureusement. Ils ont même porté mes valises ! ». A Vichy, dans un local, elle retranscrivait des informations reçues en morse afin de suivre la progression des troupes alliées et ennemies pendant la guerre. Elle tenait une petite épicerie à Vichy jusqu’en 1972. Aline explique : « Ce qui me plaisait c’était le contact avec les gens. J’apprenais à les connaître ».
"Elle a connu l’arrivée de l’électricité, des transports, des moyens de télécommunication"
Son fils s’étonne du parcours de la centenaire : « Elle est née entre le début et la fin de la Première guerre mondiale. C’est assez incroyable. Elle se souvient de son départ de Couleuvre. Elle connaît le nom de tous les habitants de la commune. Elle a connu l’arrivée de l’électricité, des transports, des moyens de télécommunication, les progrès de la santé. Elle a tout traversé. C’est hallucinant ». Pierre-Claude poursuit : « Nos filles nous parlent énormément de leurs périodes de vacances à Vichy. C’était comme dans les films, des vacances très bucoliques, très campagnardes. Mes parents avaient une jolie maison à Bellerive avec un très grand jardin. Il y avait les fleurs et les insectes, la nature. On avait aussi la chance d’avoir un autre grand terrain à Cusset. Maman a toujours aimé les fleurs, les plantes. Plusieurs fois, elle a eu le prix des maisons fleuries. Cela regorgeait de géraniums, c’était magnifique. Les gens venaient voir cela. Elle aimait greffer les arbres dans un verger de 6 000 m² ». Il évoque aussi des plats cuisinés par sa mère : « C’était une formidable cuisinière. J’ai le souvenir de coq au vin, de quenelles de brochet, de fraises extraordinaires, des haricots du jardin. Elle trouvait le temps de nous faire des choses simples comme du riz au lait ».
La fierté de la famille
Pierre-Claude insiste : « On est tous fiers de l’avoir. On a beaucoup de chance. Qu’elle ait encore toute sa tête à 106 ans est extraordinaire. On espère communiquer avec elle le plus longtemps possible ». Pierre-Claude ne sera pas avec sa maman pour la fête des mères mais il a déjà songé à une surprise : « Le 4 juin, il est possible qu’elle reçoive du courrier, quelques surprises comme un envoi de fleurs. Il y aura des dessins des arrière-petits-enfants ». Cette année encore, Pierre-Claude célèbrera la fête de cette maman exceptionnelle qu’est Aline.