Les apiculteurs voient rouge. Le président du syndicat de défense des apiculteurs de Drôme et d'Ardèche dépose plainte auprès du procureur de la République. L'un de ses adhérents de Crest a vu ses essaims décimés, et soupçonne un empoisonnement aux pesticides. Ils réclament une enquête approfondie.
Les apiculteurs de la Drôme et de l'Ardèche sont en colère. L'un des leurs, habitant près de Crest, vient de voir ses essaims décimés brutalement. Il a trouvé devant une ruche la totalité de l'essaim mort, et des centaines d'abeilles également mortes devant ses six autres ruches.
Les gendarmes auraient refusé de recevoir sa plainte. C'est ce qui a fait sortir de ses gonds le président du syndicat interdépartemental, Francis Gruzelle. Il a écrit au Procureur de la République de Valence pour déposer plainte lui-même.
L'apiculteur demande une enquête
Ce qu'il attend ? Une véritable enquête, pour comprendre l'origine de cette surmortalité soudaine. On est, en effet, loin de la mortalité normale que connaissent les ruches à la sortie de l'hiver. Il y a donc des suspects : les pesticides et insecticides. Mais il faut retrouver lequel.Les abeilles partent butiner dans un rayon de 5 kilomètres autour de leur ruche. L'apiculteur a donc conservé un échantillon de ses abeilles mortes pour les confier à la Direction des Services Vétérinaires. "On parviendra à identifier la molécule qui a tué ces abeilles", assène Francis Gruzelle qui espère qu'une enquête complète permette de remonter vers les champs concernés, si c'est la bonne piste.
Pour lui, l'affaire dépasse largement le cas d'un apiculteur familial de la Drôme. "Quand on ne prend pas une plainte à Crest, on se dit qu'on ne prend pas une plainte à Lorient, qu'on ne prend pas une plainte à Strasbourg ou à Troyes".
Bien sûr, la gendarmerie n'est pas seule en cause. Il arrive que les apiculteurs eux-mêmes ne fassent pas remonter les cas de surmortalité dans leurs ruches. Mais cela n'atténue pas la colère de Francis Gruzelle. "Ce qui me met en colère, c'est la destruction de plusieurs dizaines de milliers d'abeilles alors qu'on se bat contre les pesticides, et que la France a pris des mesures dérogatoires aux règles européennes pour autoriser leur utilisation "."Les statistiques officielles de mortalité des abeilles sont minorées au final".
L'enjeu est aussi économique qu'écologique
- En 10 ans, 70% des insectes pollinisateurs ont disparu.
- En 10 ans, 14 apiculteurs sur 15 d'un même village ardéchois ont cessé leur activité du fait de la surmortalité.
- En 10 ans, la France a perdu 15.000 apiculteurs.
- La France consomme 40.000 tonnes de miel chaque année, mais n'en produit que 9.000. "Nous importons 31 000 tonnes de miel par an" regrette le responsable du syndicat apicole.
Pour autant, dénoncer les pesticides n'est qu'une partie de la lutte pour la survie des abeilles. Les publications de l'Institut National de Recherche Agronomique (INRA) précisent que le déclin des abeilles est dû à 3 causes principales : d’un côté les pesticides, dont on commence à mieux connaître les effets subtils sur la physiologie de l’abeille, notamment en observant leur effet à faible dose."Si les apiculteurs disparaissent, les abeilles disparaîtront. Si les abeilles disparaissent, c'est l'homme qui disparaîtra"
De l’autre, les pathogènes et prédateurs (Varoa, frelon asiatique, etc.) qui exercent une pression de plus en plus forte sur des colonies affaiblies.
Enfin, les changements environnementaux et l’agriculture intensive qui, dans bien des endroits, privent les abeilles d’une alimentation constante et de qualité.
Laquelle de ces causes est la plus fatale pour les abeilles ? Les chercheurs ne le savent pas et penchent pour une interaction des causes. Ils poursuivent donc leur travail pour mieux connaître l'abeille et son monde, sa physiologie, son alimentation, ses extraordinaires formes de communication, la structure sociale des colonies, les pratiques apicoles et surtout, la relation des abeilles avec les divers environnements et écosystèmes qu’elles peuvent rencontrer.
Les apiculteurs ont donc des alliés chez les scientifiques. Ils voudraient en trouver plus souvent près de chez eux et dans le monde judiciaire.