Près de 27 000 poules pondeuses élevées en plein air : à Boucieu le Roi, en Ardèche du nord, l'installation d'un nouvel élevage de volailles sur le territoire d'une commune qui en compte déjà quatre divise la population.
En Nord Ardèche, le conflit se durcit dans la vallée du Doux. En cause, le projet d'installation d'un nouvel élevage de volailles. Il faut dire que le poulet de la montagne ardéchoise est une volaille de goût. Depuis 2016, il bénéficie d'une IGP, Indication Géographique Protégée "Poulets d'Ardèche". En 10 ans, 65 poulaillers, de diverses tailles, ont été installés dans la vallée du Doux. Le futur petit dernier, c'est un élevage en plein air de 26 900 poules pondeuses qui s'implanterait à Boucieu le Roi, entre Lamastre et Tournon.
Un poulailler à la place d'un verger
Le site retenu est un ancien verger, dont le propriétaire a pris sa retraite à l'automne 2022 sans repreneur. Sur la parcelle de 11 hectares, le projet prévoit de déboiser un hectare pour construire un bâtiment de 3000 m2 et 130 m de longueur, destiné à abriter les 26 900 pondeuses, flanqué de trois grands silos à grains.
En septembre 2022, les premières oppositions locales au futur élevage se manifestent. Une association, Vue sur Doux, est créée pour dénoncer "le développement d’une agriculture industrielle qui n’a aucun bénéfice pour le territoire et n'apporte que pollutions, risques sanitaires et graves nuisances multiples." Une première manifestation est organisée à Boucieu en novembre 2022. Puis une autre le 18 février dernier devant la mairie de la commune.
Membre de l'association, Olivier Le Chapelain est riverain du futur élevage. "Sur le plan écologique, c'est un non sens" déplore-t-il. "La voirie de la commune n'est pas dimensionnée pour supporter les rotations de camions qui viendront récupérer les oeufs pour les emmener dans la vallée du Rhône où ils seront conditionnés." Or 26900 poules pondeuses, c'est 8 millions d'oeufs par an (une belle poule en pond en moyenne 300 à l'année).
A l'heure de la grippe aviaire
Sur le plan sanitaire et écologique, les opposants sont remontés comme des coucous suisses. "Quid des besoins en eau d'un élevage comme celui-là ? Quid de l'actuel verger dont une dizaine d'hectares seront laissés à l'abandon, devenant du même coup un eden pour la mouche suzuki qui sévit dans les vergers du secteur ?" se désole Olivier Le Chapelain. Les opposants soulèvent aussi la question de la grippe aviaire.
Enfin se pose aussi l'épineuse question des déjections. Près de 27 000 poulets, ça représente 400 à 500 tonnes de fiente sèches par an. Elles seront stockées à l’intérieur du bâtiment puis évacuées une fois par an. Les riverains redoutent les odeurs... et les mouches.
Des éleveurs surpris de l'opposition au projet
Depuis 2017, les porteurs du projet ont déjà installé sur la commune quatre autres poulaillers destinés à la production de "poulets de chair", c'est à dire de volailles Label Rouge destinées à l'alimentation. S'ils ne souhaitent plus aujourd'hui s'exprimer sur le sujet, ils ont été apparemment surpris de l'ampleur de l'opposition à leur projet. En novembre dernier, ils confiaient leur incompréhension à nos confrères de l'Hebdo de l'Ardèche. "Depuis trois ans, on travaille sur ce projet qu'on a fait évoluer afin qu'il respecte toutes les normes et le bien-être animal. On vient d'obtenir un permis de construire de la préfecture. Certes, la taille est conséquente, mais c'est la condition pour toucher un salaire décent et nourrir notre famille".
Quant au maire de Boucieu, Patrick Fourchegu, il balance entre déception, agacement et lassitude. Déception parce que contrairement aux affirmations du collectif d'opposants, il n'a jamais refusé de recevoir qui que ce soit au sujet de ce projet de poulailler. "Quand aujourd'hui je les entends dire qu'ils ne me font plus confiance, ça a du mal à passer. Je suis le maire de tous, pas celui d'un camp ou d'un autre" s'agace-t-il. Le projet de poulailler, qui respecte toutes les règles en vigueur, est incontestable sur le plan administratif et règlementaire. "Je n'avais aucune raison de m'y opposer en tant que maire" conclue-t-il un peu désabusé. Dans cette bataille du poulailler de Boucieu, c'est l'atmosphère du village qui va y laisser le plus de plumes.