Alors que le gel et la pluie ont déjà décimé leur millésime 2024, les vignerons doivent désormais faire face au mildiou. Cette maladie qui contamine les vignes a explosé ces derniers jours. Un nouveau coup dur pour les professionnels. Exemple dans le Jura.
Cette année 2024, ils s'en souviendront longtemps. Et pas pour les bonnes raisons. "Ça a été particulier, ça, c'est sûr" en sourit Philippe Noir, du domaine Noir-Frères, à Poligny (Jura). "Une saison particulièrement difficile avec la météo". C'est le moins qu'on puisse dire. Après le gel, qui il y a quelques mois lui a emporté 80% de ses futurs raisins, le vigneron voit désormais le mildiou menacer ce qui lui reste.
"La pression du mildiou, on la sent depuis de longues semaines" reprend Philippe Noir au micro de nos journalistes Emmanuel Deshayes et Hugues Perret. "De la chaleur et en même temps de l'humidité. On a eu des pluies incessantes. J'ai calculé, on n'a eu aucune semaine sans pluie depuis avril. Donc le mildiou s'est développé, car c'est devenu très dur de maintenir les vignes en bonne santé".
"Une contamination exponentielle"
Il y a cinq jours, les premiers signes de contamination sont survenus. Des petites taches blanches, annonciatrices du mildiou. "On appelle ça les taches d'huile" nous décrit Philippe Noir.
Pour l'instant, elles sont claires, puis elles vont brunir. Des spores se forment, et la pluie vient projeter ses spores sur d'autres pieds, d'autres feuillages. Ce qui entraîne une contamination exponentielle.
Philippe Noir,vigneron jurassien
Pour rappel, le mildiou est un "protiste fongiforme". Autrement dit, un organisme qui ressemble et fonctionne presque comme un champignon, mais unicellulaire, quand les champignons sont généralement multicellulaires. Dans les vignes, cet organisme entraîne une baisse de la photosynthèse, donc des prochains raisins de moins bonnes qualités, et en plus petit nombre.
"On a presque tout perdu après le gel, donc on travaille maintenant pour les prochaines années" reprend Philippe Noir. "Si on laisse les spores se développer, alors qu'on aura encore des pluies, l'organisme va rester dans le sol en automne, et rééclore au printemps. On peut tout perdre. C'est le potentiel des prochaines récoltes qui se jouent là alors que le mildiou explose depuis 2-3 jours".
Des sols trop mous pour venir traiter les vignes
Dans le Jura, la quasi-totalité des domaines est ainsi touchée par la maladie. C'est aussi le cas de Clémence Morin. Fille de vignerons, la jeune femme de 25 ans s'est lancée cette année. Elle loue des parcelles à ses parents pour "se faire la main". Pour elle, 2024 est "une très grosse déception".
Le gel nous a enlevé 70 % des pieds. Et là, le mildiou. A cause de la pluviométrie, on a pas pu faire rentrer les tracteurs dans les vignes, pour les traitements, car les sols étaient trop mous. Donc la maladie en a profité.
Clémence Morin,vigneronne dans le Jura
Sa jeune vigne de Chardonnay, plantée il y a deux ans, et donc en danger. "Le mildiou va affaiblir le phénomène d'aoûtement des bois, là où ils se durcissent" dit-elle. "Donc il y aura des difficultés à la taille et ça va se répercuter sur la qualité du raisin. C'est décevant".
Alors que le millésime 2023 avait lui été "très riche en qualité et quantité", 2024 fait figure de mauvaise année. "Toute la parcelle est touchée, malgré un ébourgeonnage sélectif, un effeuillage en bas des pieds et un relevage fait très tôt pour éviter que le rameau soit en contact avec le sol pour éviter les contaminations. Mais rien n'y fait. C'était inévitable, il pleuvait tout le temps".
Être attentif pour éviter une grosse propagation
Les prochains jours seront donc cruciaux pour éviter que le mildiou ne contamine tout. "On va en prendre soin" affirme Clémence Morin. "On a traité vendredi. Il faudra retraiter pour que la maladie ne "porule" plus, ne se développe plus. Il faut aussi surveiller les feuilles, et couper les parties infectées pour éviter la propagation".
Face à cette année catastrophique, nos deux vignerons essayent malgré tout de positiver. "C'est une saison avec beaucoup de travail, de stress. Sans sérénité" confie Philippe Noir. "Mais ça fait partie de l'agriculture. On a déjà connu des années difficiles. Même si celle-là, en termes de quantité d'eau, sort du lot".
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Clémence Morin, qui fait partie elle de la fruitière vinicole d'Arbois, s'accroche au fait de "faire partie d'une coopérative". "C'est très important" avoue-t-elle. "On va pouvoir compenser les pertes. Et puis on ne va pas tout le temps faire la gueule".