Le thermomètre est descendu au-dessous de -2 degrés dans le vignoble du Jura dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 avril 2024. Même s'il est trop tôt pour évaluer l'ampleur des dégâts, les vignerons s'attendent à de lourdes pertes. Pour la quatrième fois depuis 2017.
"Ça va faire mal, ce matin, on prend un coup sur la tête", se lamente Hervé Ligier. Même s'il est encore trop tôt pour avoir une évaluation précise des dégâts, il en a déjà la certitude. "On attendait le gel dans les bas de parcelles mais cela a agi partout, constate le président de la société de viticulture d'Arbois (Jura). On va prendre cher. Il faut voir si ce sera 50% de pertes ou beaucoup plus !'
Craintes justifiées
Les viticulteurs jurassiens redoutaient un fort épisode de gel dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 avril 2024. Leurs craintes étaient visiblement justifiées. "Les viticulteurs commencent à constater les dégâts, explique Gaël Delorme, conseiller viticole de la société de viticulture du Jura. Mais d'après les premiers échos qu'on a pu avoir, même les coteaux, qui sont d'ordinaire moins fragiles, pourraient être atteints." Le technicien parle toujours au conditionnel, mais il ne cache son pessimisme.
C'est sûr qu'on prend un coup de marteau maintenant. C'est le moment où la vigne est juste sortie et où elle est la plus sensible. Les températures sont descendues à -0,5°C/-0,7°C dans les stations, c'est-à-dire sous abri. Cela veut dire un degré de moins encore dans les parcelles !
Gaël Delorme, conseiller viticole Société de viticulture du Jura.
50% de pertes
À Arbois toujours, Philippe Bulabois lui aussi "attend le soleil pour voir". Mais le vigneron ne se fait aucune illusion. Toute la nuit, il a tout de même réussi à maintenir la température au-dessus de zéro sur la moitié de ses vignes grâce à son éolienne. "La partie que j'ai protégée est sauvée, assure-t-il à France 3 Franche-Comté. Mais pour le reste, c'est tombé à -2, -3°C donc je pense que c'est tout brûlé." Il exploite 9 hectares dans l'appellation et pourrait faire une croix sur la moitié de sa récolte, dit-il. Il s'estime néanmoins chanceux. Le coup de froid a frappé partout, dans l'ensemble du vignoble. "Et il y a des collègues qui ont perdu beaucoup plus que moi", assure-t-il.
Fataliste, Philippe Bulabois pointe surtout du doigt le réchauffement climatique. "C'est systématique désormais, explique-t-il. Nos vignes poussent trop tôt. Cette année, elles avaient un mois d'avance. Mais les dernières gelées, elles, arrivent toujours au même moment."
Quatre épisodes de gel en 7 ans
Hervé Ligier ne dit pas autre chose. Longtemps, les viticulteurs ont été épargnés par les gros coups de froid du printemps. Ce temps est révolu. "On a eu 2017, 2019, 2021 et maintenant 2024, rappelle Hervé Ligier. Ce sont des forts épisodes de gel qui se répètent. En 2022, on est passé à côté de la catastrophe, juste à un demi-degré. Et maintenant ça nous pend au nez tous les ans ! "
On a l'habitude de faire avec les aléas climatiques, c'est la règle du jeu. Mais quand ça revient un an sur deux, on se trouve franchement démunis. On est toujours sous tension et ça pèse sur le moral.
Hervé Ligier, président de la société de viticulture d'Arbois (Jura).
Et "tout le monde n'a pas investi dans des systèmes de lutte contre le gel et il n'y a pas grand-chose qui marche d'ailleurs", ajoute le responsable viticole. Des viticulteurs qui ne baissent pas les armes pour autant et qui resteront encore sur le qui-vive dans les prochaines heures. Car la nuit qui vient s'annonce aussi risquée, les températures annoncées ne devraient pas être aussi basses que la nuit précédente.
En Franche-Comté, les procucteurs de cerises ont eux aussi été victimes de cette chute du mecrure. Le thermomètre est descendu à -2 degrés la nuit dernière dans certains secteurs du département de la Haute-Saône. Les producteurs de l’AOC kirsch de Fougerolles (Haute-Saône), ont été touchés. L’heure est à l’estimation des dommages sur la future récolte.