Après celui d'Éric Dupond-Moretti, le procès d'un autre membre du gouvernement en exercice s'ouvre ce lundi 27 novembre 2023. L'ancien maire d'Annonay, Olivier Dussopt est appelé à s'expliquer sur des soupçons de favoritisme dans un marché public passé en 2009. Le ministre conteste les faits.
Le ministre du Travail Olivier Dussopt est cité à comparaître durant quatre jours, jusqu'au 30 novembre, devant le tribunal correctionnel de Paris. Il est soupçonné d'avoir communiqué des informations privilégiées concernant un appel d'offres, au profit du groupe de traitement de l'eau Saur, lorsqu'il était député et maire PS d'Annonay.
Olivier Dussopt est aussi soupçonné d'avoir fait modifier les critères d'évaluation de cet appel d'offres en diminuant l'importance accordée au prix afin de favoriser cette société, détentrice d'une délégation de service public pour gérer l'eau de la commune depuis 1994, mais plus chère que les entreprises concurrentes. Le marché portait sur 5,6 millions d'euros.
L'affaire révélée par Mediapart
L'affaire avait débuté par un article de Mediapart. En mai 2020, le journal en ligne avait révélé qu'un dirigeant local de la Saur avait offert à l'élu ardéchois deux lithographies du peintre Gérard Garouste, en 2017, alors qu'un nouveau contrat était sur le point d'être conclu entre Annonay et cette entreprise.
Le parquet national financier (PNF) avait ouvert une enquête préliminaire pour favoritisme, mais également corruption, prise illégale d'intérêt, complicité et recel de ces délits.
Ces derniers griefs ont été classés sans suite : les lithographies se sont révélées de faibles valeurs - quelques centaines d'euros -, le cadeau est apparu comme une initiative non sollicitée et Olivier Dussopt n'est pas intervenu dans le processus d'attribution du marché de 2017, a précisé une source judiciaire.
En revanche, une perquisition effectuée en août 2020 au domicile ardéchois du député-maire avait permis de saisir le compte-rendu d'un entretien avec le directeur général de la Saur Olivier Brousse, en juillet 2009, évoquant le montant du marché et les critères de l'appel d'offres, et un mail de l'élu envoyé trois semaines après à ses services, demandant de faire évoluer plusieurs de ces critères.
"Bonne foi"
Lorsque la perspective d'un procès a été rendue publique, en février 2023, le ministre était sur le devant de la scène médiatique, portant la réforme des retraites, texte emblématique et contesté du second quinquennat d'Emmanuel Macron. La Première ministre Elisabeth Borne lui avait alors renouvelé sa confiance.
Depuis la rentrée, le ministre, âgé de 45 ans, s'est fait discret à l'approche de son procès, qu'il refuse de commenter avec les journalistes. Tout juste le 5 novembre, a-t-il répété sur France 3 sa ligne de défense, la même depuis février : "On parle d'une enquête qui a été classée pour 80%. Quatre points
sur cinq ont été classés, il en reste un, sur un marché de 2009, il y a 14 ans. Je vais au tribunal pour convaincre de ma bonne foi. J'ai convaincu le parquet sur les quatre premiers points, je souhaite le convaincre sur le cinquième".
Son avocat a déclaré ne pas souhaiter faire de commentaire. Olivier Brousse, 58 ans, aujourd'hui dirigeant d'une entreprise de paysagisme, comparaîtra pour complicité de favoritisme. "Il conteste les faits" et "s'expliquera devant le tribunal", a indiqué son avocate.
Tous deux encourent deux ans de prison et 30.000 euros d'amende. Saur, troisième grande entreprise de l'eau en France, poursuivie pour recel de favoritisme, risque une amende de 1.875.000 euros.
Plaider la prescription
En février, la société Saur avait indiqué à l'AFP qu'elle considérait "que cette action résiduelle à son encontre, près de quinze ans après les faits, n'(était) pas justifiée". Elle a précisé jeudi ne pas souhaiter faire d'autre déclaration. Certains prévenus devraient plaider la prescription des faits, selon une source
judiciaire, une analyse contestée par l'accusation qui estime que l'infraction était "dissimulée" jusqu'à la perquisition d'août 2020.
Ce procèsarrive après ceux de deux autres piliers de la Macronie : le haut-commissaire au Plan François Bayrou, qui a comparu jusqu'au 22 novembre dans le dossier des assistants d'eurodéputés Modem. Ce dernier sera fixé sur son sort le 5 février.
L'actuel garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a lui été jugé du 6 au 17 novembre pour des soupçons de prise illégale d'intérêts par la Cour de justice de la République, qui rendra sa décision mercredi.