"Je m'adresse à vous en tant que futur défunt", dans une vidéo publiée par son mari après sa mort, Nicolas Menet, sociologue et auteur de "Faire le deuil de soi" s'adresse aux parlementaires et au président de la République pour faire part de ce qu'il a appelé "son projet de fin de vie".
"Je m'en vais déserter la mort telle que vous me la proposez", par ces mots, débute une vidéo adressée aux parlementaires et à Emmanuel Macron par Nicolas Menet, décédé le 4 février 2023 à 44 ans des suites d'un cancer du cerveau incurable.
Sociologue, auteur de plusieurs ouvrages, il était également entrepreneur, directeur général du réseau Silver Valley, spécialiste de la société de la longévité et de la France des séniors.
Nicolas Menet se savait atteint d'un glioblastome de type 4, son rêve était d'entrer en politique et devenir député. Mais le temps lui a fait défaut alors il a décidé d'écrire un livre et de partager son "projet de fin de vie" en faisant des propositions dans son ouvrage intitulé Faire le deuil de soi.
"Sa fin a été exempte de souffrance comme il l’avait souhaité" a expliqué son mari sur les réseaux sociaux. Ce fut grâce à tout le personnel de l’hôpital, qui, au-delà d’une compétence professionnelle et éthique sans faille, a su accompagner Nicolas. C’est une équipe, une famille même, qui par son cœur, son intelligence et son courage parvient à sauver l’esprit d’humanité en respectant les difficultés, les impasses et les blocages de la législation actuelle sur la fin de vie. Ils portent le poids énorme de la souffrance des mourants et de leur famille, le poids de leur demande de choisir de mourir librement impossible à satisfaire du fait d’une loi inadaptée inutile et finalement cruelle" a-t-il ajouté.
"Je veux choisir le moment, le lieu et l'endroit"
"Apprenant qu’il était atteint d’un cancer incurable et fulgurant, Nicolas a choisi de "faire de son deuil de lui-même, un véritable "projet de fin de vie" universel qu’il a inscrit dans le cadre de la consultation citoyenne. Nous saluons son courage, sa lucidité et sa très grande exigence intellectuelle" a déclaré Damien Cacaret, président de Silver Valley au nom du Conseil d’administration, au moment de son décès le 4 février 2023.
Ma mort devra être libre consciente et consentie. Je veux choisir le moment le lieu et l'endroit. Je veux que mes proches et mon entourage soient en accord avec mon choix. Personne ne peux décider pour moi, je dois être le seul à pouvoir juger de mes souffrances psychiques si j'en ai encore la possibilité cognitive. Je veux être le seul décisionnaire de mon instant final qui est l'aboutissement de ma vie donc de mon libre arbitre.
Nicolas MenetAuteur du livre "Le deuil de soi"
"Je m'adresse à vous en tant que futur défunt" précise-t-il. "Je voudrais vous dire tout ce dont j'ai bénéficié mais aussi ce qui m'a manqué. Avant de vous quitter je me permettrai de vous faire quelques propositions. Je ne pense pas que ces débats doivent être réduits à la dichotomie entre liberté et vie ou à celle de la dignité et de l'abandon."
Dans leur rapport 184 citoyens de la convention citoyenne sur la fin de vie, se sont prononcés majoritairement (75,6% des votants) en faveur de l’aide active à mourir "pour les raisons suivantes : offrir et respecter la liberté de choix des citoyens, combler les insuffisances du cadre légal actuel, notamment les limites de la sédation profonde et continue et mettre fin aux situations d’hypocrisie constatées. Le préalable à tout accès à l’aide active à mourir est la volonté du patient qui doit être respectée" insiste le rapport.
La convention citoyenne souligne également la nécessité de mettre en place le suicide assisté et l'euthanasie, "dans la mesure où le suicide assisté seul (voté à 10%) ou l’euthanasie seule (votée à 3%) ne répondent pas à l’ensemble des situations rencontrées."
Dans son livre témoignage Nicolas Menet insiste sur la nécessité de valoriser et de mieux connaître les dispositifs de soins palliatifs en France. Un avis que partage le Professeur Perceau-Chambard, chef de l'unité de soin palliatifs de l'hôpital Lyon Sud. Son service est passé de 12 à 16 lits, 4 lits supplémentaires et énormément de ressources nécessaires en plus pour répondre aux principales attentes des patients : "être entendus et avoir des réponses rapides à leurs questions". Même si son service s'est densifié, le médecin attire l'attention sur une nécessaire prise de conscience. Les soins palliatifs en France manquent de moyens. 26 départements ne disposent pas d'unités de soins palliatifs et même lorsqu'il y a des services dédiés "on ne peut pas imaginer que 12 ou 16 lits viennent répondre à tous besoins d'un département." Chaque semaine ce service de l'hôpital Lyon Sud se voit devant l'impossibilité de répondre à toutes les demandes.
"Il y a un réel enjeu de formation des professionnels de santé" ajoute Elise Perceau Chambard. "Il faut que cette culture palliative s'imprègne et que les patients disposent d'une offre de soin adaptée même dans l'urgence" conclut-elle en ajoutant qu'"il faut rendre les parcours les plus fluides possibles".
Quel cadre pour la sédation profonde ?
Nicolas Menet, auteur du livre Faire e deuil de soi, a demandé conformément à la loi, la sédation profonde. Depuis la loi du 2 février 2016, tout patient atteint d'une maladie grave et incurable a le droit de demander une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD) pour éviter la souffrance et ne pas subir une obstination déraisonnable. Une demande examinée de manière collégiale par le médecin, l'équipe soignante et au moins un autre médecin.