Les Hôpitaux Lyon Sud ont agrandi leurs services de 4 lits supplémentaires en soins palliatifs. Patients, infirmières, cadres, tout le service a accepté de nous ouvrir les portes pour inviter à changer de regard sur leur travail associé à la mort mais tourné vers la vie.
Quand on entre dans la chambre d'un patient en soins palliatifs, on devine une histoire, des peurs, des proches inquiets. Ce service dans la vie d'un patient comme d'un soignant a souvent une résonnance amère, faite de résignation et d'attente d'une fin annoncée. Pourtant la médecine palliative se renouvelle, cherche à se réinventer pour remettre la vie au coeur des préoccupations de tous ses acteurs.
Des proches pris en charge
Les premiers concernés sont évidemment les patients eux-mêmes. Devant la porte du service, une femme sort fumer sa cigarette. Une perfusion la précède et une poche repose sur son épaule. Elle regarde le sol jusqu'au moment où on lui explique notre reportage. La tête relevée elle insiste sur sa dignité retrouvée et surtout sur la qualité de la prise en charge non pas seulement de sa maladie mais aussi de ses proches.
Deuxième rencontre, Rémy Vandevyvere, 45 ans. Nous ne lui demandons pas pourquoi il est là. Nous ne le ramenons pas à son identité de malade pour nous intéresser au moment présent. Il accepte notre visite dans sa chambre pour partager une expérience nouvelle. Depuis décembre, les aides-soignants proposent des voyages en réalité virtuelle. Le casque à peine posé sur les yeux, voici Rémy en route pour Cuba, avec de la musique ensoleillée et de belles voitures autour de lui. L'expérience n'a rien d'un simple passe-temps c'est l'occasion pour Richard Chipier-Dumas, aide-soignant de partager avec lui sur ses voyages passés, d'aborder sa séance de soins avec une autre approche.
Rémy conclut : "Dans la réalité virtuelle, aux soins palliatifs ou ailleurs, l'important c'est la vie !" La phrase résonne dans la chambre d'hôpital comme une leçon que nous, journalistes le chargé de communication qui nous accompagne et Richard recevons dans toute sa force. Nous étions venus parler d'un service où on vient mourir et partout on nous parle de vie.
Le temps figé
C'est bien de vie aussi qu'il est question dans la chambre d'en face. Une femme est venue de Corse, soutenir sa belle soeur. Le temps semble être figé tout comme le regard de la patiente. Ses yeux s'ouvrent et se ferment bercés par les notes de Mary, la musicothérapeute à son chevet. A la fin du morceau, les deux femmes fondent en larmes : "tu es revenue" lui dit-elle. Très faible, la vielle dame acquiesce d'un signe de tête et nous quittons la pièce avant la fin de leur étreinte.
"Je veux être libre"
L'ensemble de l'équipe de ce service est plongé dans un espace-temps radical aux confins de l'existence. La mort y côtoie des instants volés, arrachés au destin comme des pierres précieuses à la roche. "Ce à quoi les patients sont le plus attachés", explique la professeure Elise Perceau-Chambard, cheffe de service, c'est leur liberté. "Je veux être libre" est une des phrases qui revient le plus souvent. "Mais comment être libre ?" interroge-t-elle. La question, éminemment philosophique, est prononcée dans une chambre flambant neuve en ce jour d'inauguration de quatre nouveaux lits dans le service.
Très vite pour étayer son propos le professeur cite un exemple. "Un jour un patient est arrivé, il souffrait tellement qu'il nous demandait où est le bouton ON/OFF pour mettre fin à ses jours. Au deuxième jour, il n'en parlait plus. Au bout de cinq jours, il demandait quand sortir. Le lendemain, il se renseignait sur la chimiothérapie. Aujourd'hui ce patient est en rémission, il va bien. "
Redonner sens à la vie et soulager la douleur
Evidemment toutes les histoires ne sont pas comparables, mais certains exemples illustrent bien que la médecine palliative, peut, en soulageant la douleur, en remettant le patient au centre, en axant sur la notion de plaisir, redonner sens à la vie aussi longue ou courte soit-elle devant nous. A première vue, les nouveaux aménagements de l'hôpital, relèvent plus du détail que de changements fondamentaux. Des lits adaptés aux personnes de petite taille, des huiles essentielles, des plateaux réfrigérés... la liste énumérée lors de la présentation des nouvelles chambres surprend.
Mais quand la cadre du service raconte l'émotion des familles le jour où elles ont pu mettre un repas dans un réfrigérateur, on comprend à quoi tient la dignité. S'asseoir sur son lit sans aide, manger ce qui nous plait, ne pas sentir l'odeur d'une chambre d'hôpital, oui ça change la vie et c'est bien à cela que s'attellent la quinzaine de personnes qui font tourner ce service.