Au fil de cette crise du coronavirus, on les aurait presque oubliés… pourtant nos déchets se sont multipliés ces derniers mois. Le plastique signe son grand retour dans nos poubelles, sur les trottoirs et dans la nature auvergnate à travers les masques et les gants notamment.
Pas besoin de chercher bien longtemps pour trouver à nos pieds dans les rues, des masques ou des gants jetés par terre par leur propriétaire pressé de s’en défaire… Nouveaux venus dans notre panoplie post-confinement, ils pullulent sur les trottoirs, dans les espaces verts et aux abords des magasins. « Ce sont des déchets qu’on ne trouvait pas avant, explique Gilles Michel, directeur de l’espace public et de proximité à la métropole Clermont Auvergne. Ils sont particulièrement concentrés autour des magasins d’alimentation. Les gens s’en débarrassent immédiatement en les jetant par terre sans se dire que quelqu’un va devoir passer derrière eux pour ramasser… » Alors que ce sont des ordures qu’on peut bien évidemment mettre dans les corbeilles à disposition dans l’espace public, au même titre qu’un mouchoir.
Car derrière ce geste d’incivilité, c’est la santé des agents métropolitains et municipaux qui est menacée. Armés de leur protection habituelle et de pinces, ce sont eux qui doivent ramasser chaque jour les ordures des autres. « Les agents ont déjà l’habitude d’être en contact avec des choses pas très salubres, mais ça génère quand même une certaine inquiétude, confie Gilles Michel. Quand vous vous retrouvez au-dessus d’une corbeille où il y a des canettes, ça n’est pas sympa mais ça va… quand c’est rempli de masques et de mouchoirs, c’est un peu stressant. »
Néanmoins, la collecte des déchets dans les espaces publics s’est poursuivie sans interruption. « C’est moins visible que le travail d’un médecin ou d’une infirmière mais c’est aussi essentiel au collectif ! Ce sont des métiers utiles et indispensables » rappelle Gilles Michel. Pendant le confinement, environ 80 agents se sont relayés sur le terrain de la métropole clermontoise contre 700 en temps normal. Depuis le 11 mai, les équipes reprennent progressivement comme tout le monde.
D’autant que pendant le confinement, de nombreux particuliers se sont lancés dans un grand nettoyage de printemps. Rangement du garage, déblaiement du grenier, tonte du jardin... et tout ça impossible à évacuer dans les déchetteries fermées pendant le confinement. « On a constaté beaucoup de dépôts sauvages sur la voie publique et dans les chemins, » regrette Gilles Michel.
Le retour du plastique
L’autre grand perdant de cet afflux de déchets, c’est donc l’environnement. Car ce qui se retrouve par terre en ville, fini bien souvent dans la nature… « Rien qu’en se promenant, on constate le grand retour du plastique. En me rendant à mon jardin, je regarde la rivière et je vois des morceaux de plastiques… » déplore Jacques Debeau, vice-président de la FRANE (Fédérations de la région Auvergne pour la nature et l’environnement). Un grand pas en arrière pour nos bonnes résolutions d’abandonner petit à petit le pastique regrettent de nombreuses associations de défense de l’environnement : «On commençait à peine à voir les effets de la diminution du plastique dans les emballages… les gens commençaient enfin à fonctionner avec des sacs en papier et pas en plastique… tout ça c’est fini avec la crise du coronavirus. » Surtout qu’il existe des alternatives comme le masque en tissu, lavable et réutilisable qu’on peut porter pour aller au marché plutôt qu’un masque jetable à usage unique.Dans les centres de tri aussi on s’attend à une forte progression des plastiques à usage unique et du papier pour s’essuyer les mains. « C’est un contre-sens écologique et environnemental, regrette Laurent Battut, président du Valtom qui valorise et traite les déchets ménagers dans le Puy-de-Dôme. Un contre-sens historique aussi parce qu’on tendait vers la réduction des déchets et on va certainement avoir une augmentation. C’est comme un château qu’on a construit qui est en train de s’effondrer. Il faut tout repenser ! »
« Le plastique rassure. Le plastique ça fait propre, ça fait hygiénique. Les gens aiment l’usage unique, le jetable » constate Jacques Debeau. De même l’utilisation de lingettes désinfectantes n’est pas anodine. Encore trop souvent jetées dans les toilettes, ces lingettes causent de gros problèmes aux stations d’épuration et au réseau d’assainissement. « Quand on a vu beaucoup de lingettes arriver sur le marché, on a surveillé attentivement la situation, explique Muriel Burguière, directrice Cycle de l’eau à la métropole de Clermont Auvergne. On n’a pas trouvé beaucoup plus de lingettes que d’habitude mais il y en a déjà beaucoup trop en temps normal ! " Pour rappel les lingettes sont un déchet solide à jeter dans sa poubelle d’ordures ménagères.
Le tri en vrac
Et justement dans nos poubelles aussi il y a eu du laisser-aller pendant le confinement. Nouveaux venus dans notre quotidien, les masques, les gants et les lingettes en plus grande quantité que d’habitude sont donc à jeter dans la poubelle d’ordures ménagères. « Les masques, les gants et les mouchoirs doivent être mis dans un sac en particulier, fermé et ensuite dans la poubelle grise pour veiller à ne pas étendre l’épidémie et protéger nos opérateurs, » précise Laurent Battut, directeur du Valtom du Puy-de-Dôme. « En aucun cas ils ne doivent se retrouver dans les poubelles de tri. Malheureusement, on en retrouve beaucoup trop. »Quand ils sont bien orientés, ces déchets comme les autres de la poubelle grise sont incinérés et valorisés en contribuant à la production énergétique du pôle Vernéa. « C’est la situation idéale. Ce qui est très embêtant c’est quand on les retrouve dans la poubelle jaune. Ca met nos personnels en danger ! » s’agace Laurent Battut. Car le contenu de nos poubelles jaunes est ramassé en vrac la plupart du temps par des agents de collecte puis trié à la main par des opérateurs. « Ca leur fait prendre des risques infectieux et ça a des conséquences psychologiques ! On oublie souvent que derrière la poubelle il y a des mains, il y a des gens qui travaillent. Cette problématique a toujours existé mais elle est encore plus préoccupante aujourd’hui. » Même coup de colère pour le président d’Allier Tri, Jean-Pierre Momcilovic qui déplore cette situation : « si nous n’y avions pris garde, [ces produits] auraient pu contaminer les agents du centre de tri. Un tel comportement, est absolument intolérable. » Il dénonce le manque de respect envers les agents qui travaillent au contact de ces déchets et en appel au en sens civique de chacun d’entre nous. « Que chacun retrouve le sens civique et redevienne responsable pour que de tels déchets ne se retrouvent plus dans les bacs ou les sacs jaunes: il faut les déposer dans les ordures ménagères ! »
D’une manière générale, les poubelles jaunes voient rouge pendant cette crise sanitaire. Les erreurs de tri se multiplient. Allier Tri a comptabilisé plus de 500 tonnes de produits non recyclables trouvés dans les poubelles jaunes. C’est plus du double du fonctionnement normal. Le Valtom du Puy-de-Dôme estime que les erreurs de tri sur son secteur ont augmenté de 10%. « C’est lié certainement aux fermetures des déchetteries. On a pu retrouver des casseroles métalliques, des vêtements, des contenants en verre… Ce sont bien des déchets valorisables mais pas en centre de tri fait pour traiter des emballages ménagers et des papiers. Pas des jantes de voitures ni des cassettes VHS… » explique Laurent Battut.
Des erreurs qui ont un coût environnemental et économique. « Aujourd’hui on a un camion sur quatre qui arrive au centre de tri qui ne devrait pas y aller et qui est réorienté vers le pôle de valorisation, » précise Laurent Battut. Du temps perdu et une pollution supplémentaire. De son côté Alier Tri a dû assumer une dépense supplémentaire de 75 000 euros directement liée à ces erreurs de tri. « Je demande à chacun de retrouver les gestes qui pendant un an avaient fait de l’Allier un département exemplaire pour la qualité du tri, » appelle Jean-Pierre Momcilovic, président d’Allier Tri. Il semble urgent de retrouver nos bonnes habitudes de tri même pendant cette crise sanitaire. Laurent Battut rappelle que bien trier est un comportement de tous les jours pour préserver les ressources naturelles, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, pour économiser de l’énergie, pour soutenir l’emploi local. « Les consommateurs-usagers se pénalisent en se trompant, » estime-t-il.
Plutôt qu’un retour en arrière, cette période pourrait aussi ouvrir de nouveaux horizons. A nous de réfléchir à notre manière de consommer et de jeter. « On essaye de faire prendre conscience aux gens qu’il faut profiter de ce choc [ndlr l’épidémie de covid19] pour nous remettre en question et pour repartir sur de meilleures bases… » conclut Jacques Debeau, vice-président de la FRANE.