Le pépin chinois a failli avoir raison du parapluie d'Aurillac. Installée au pied des monts du Cantal, l'entreprise familiale Piganiol s'est relancée en misant sur la mode et un savoir-faire centenaire, qu'une indication géographique protégée (IGP) mettra bientôt à l'abri.
Fondé en 1884, Piganiol un des deux derniers fabricants aurillacois sur la dizaine que comptait le berceau historique du parapluie français dans l'entre-deux-guerres. La petite PME, qui emploie 35 salariés, fabrique entre 50 000 et 60 000 parapluies par an (sur les 70 000 d'Aurillac), un tiers de la production hexagonale. Une goutte d'eau face aux 15 millions de pépins étrangers qui rentrent chaque année sur le territoire français.
Dans les années 1960-1970, le parapluie d'Aurillac avait encore pignon sur rue: les trois entreprises cantaliennes du secteur fournissaient à elles seules deux millions de parapluies (40% de la production nationale). "A l'époque de mon grand-père, 50% de nos parapluies étaient exclusivement destinés aux Nouvelles Galeries et à La Redoute", relate Matthieu Piganiol, la "5ème génération" à la tête de la fabrique.
Depuis, la concurrence chinoise a inondé le marché de ses pépins bon marché. "On a dû se remettre en question", se souvient le père de Matthieu, Jean. Pour continuer à exister, la société décide alors de sous-traiter la fabrication des parapluies destinés à la grande distribution en Asie du Sud-Est. Et pour sa propre marque, elle opte pour le haut de gamme.
"Jusqu'à présent, le parapluie que nous fabriquions était un objet utilitaire, souvent uni et noir. Nous avons décidé d'en faire un accessoire de mode à part entière", explique le président de la fabrique. Virage réussi puisque de grandes marques de haute couture françaises font aujourd'hui appel à Piganiol pour leurs collections. "On confectionne également des pièces sur mesure pour les défilés de Paris, Milan, New York", ajoute le fils, qui prendra bientôt la suite.
Plébiscités au Japon
Pour dénicher les tendances de demain et trouver l'inspiration, la petite entreprise fait appel à un célèbre cabinet de style parisien. Au côté de Martine Piganiol, l'esprit créatif de la famille, deux stylistes sont chargées d'imaginer deux collections annuelles, soit 400 modèles, toutes tailles et formes confondues. Première étape de la fabrication: l'impression du tissu hi-tech par une immense imprimante numérique. La toile part ensuite dans les mains des ouvrières chargées de la découper en triangles en suivant les lignes d'un patron en carton, à l'aide d'une machine laser ou d'un ciseau électrique.
Toutes les pointes de tissu sont ensuite minutieusement vérifiées à la lumière transversante, avant d'être assemblées les unes aux autres. Vient alors la pose des aiguillettes (embouts métalliques) et la jonction mécanique avec les baleines du parapluie.
Un savoir-faire au millimètre que l'entreprise compte bien conserver grâce à l'Indication géographique protégée qui concerne depuis peu les produits manufacturés. "C'est une reconnaissance de notre travail au quotidien, celui de mon père et de mon grand-père qui ont oeuvré pour faire perdurer l'entreprise à Aurillac malgré les difficultés", estime Matthieu Piganiol.
L'IGP devra faire mieux que "L'Aurillac", un label que les fabricants du bassin cantalien avaient mis en place en 1998 pour préserver leur patrimoine local, et qui n'a pas empêché les contrefaçons, explique-t-il: "Plusieurs de nos modèles sont copiés par les Chinois, qui achètent ou copient directement le modèle sur Internet. On le sait parce qu'à chaque date de sortie de nos collections, les connexions depuis la Chine explosent de 20%".
Autre avantage de ce nouveau label très attendu, la visibilité de la marque à l'étranger qui s'en trouve renforcée. "C'est un atout indéniable au Japon, où nous sommes présents dans les grands magasins de Tokyo", souligne Jean Piganiol à propos de ce marché de 100 millions de pièces. Un p'tit coin de parapluies où le fleuron aurillacois s'est diversifié en commercialisant un produit phare: l'ombrelle.