Payer seulement 20 euros par mois de facture d’électricité. Non, vous ne rêvez pas. C’est ce qui arrive à un habitant du Cantal. Rémi a créé il y a quinze ans sa "fermette résiliente", devenant quasiment autonome en énergie. Il nous explique comment il parvient à réaliser ce tour de force.
A l’heure où de nombreux Français s’inquiètent de voir grimper leur facture d’énergie, d’autres sont beaucoup plus sereins. C’est le cas de Rémi Richart, un habitant installé à Prunet, près d'Aurillac dans le Cantal, depuis 15 ans, avec sa femme et ses trois enfants. Il réussit le tour de force de ne payer que 20 euros de facture d'électricité par mois.
"Je produis exactement ce que je consomme"
Le Cantalien détaille son mode de fonctionnement énergétique : « Je peux être autonome en énergie quand je veux. J’ai juste un bouton à tourner. A partir du moment où on veut être autonome en électricité, on est obligé d’avoir un parc de batteries, qui est l’élément le plus polluant de l’installation. J’ai des panneaux solaires et une éolienne qui sont branchés sur des batteries. Quand je ne veux plus utiliser le réseau EDF, je tourne un bouton et je passe dessus, la majeure partie de l’année. Je peux le faire toute l’année si je veux, mais pour l’instant je ne veux pas trop utiliser mes batteries. L’hiver, je ne les utilise pas. Pour l’instant, je n’ai pas intérêt à user mes batteries. J’utilise ma production photovoltaïque au maximum. Quand il n’y a plus de production, quand il fait nuit par exemple, j’utilise un peu mes batteries et après je passe sur EDF. Je produis exactement ce que je consomme. Au final, je paie juste mon abonnement auprès de mon fournisseur. Je paie 20 euros par mois ».
Evaluer ses besoins
Le cheminement de la famille Richart s’est fait progressivement. Rémi explique : « On a commencé à rénover cette ferme il y a quinze ans. Petit à petit, on a expérimenté. A l’époque, il n’y avait pas tellement de livres sur le sujet. Il n’y avait pas énormément de personnes qui faisaient cela dans le coin. On a testé, on a cassé, on a recommencé, on a acheté du matériel, on a fabriqué des choses. En parallèle de cela, je faisais des installations photovoltaïques et thermiques. On a affiné nos besoins et aujourd’hui, j’accompagne des familles qui veulent tester ce mode de vie ». Pour Rémi, la clef est d’évaluer ses besoins : « A partir du moment où on veut produire ce qu’on consomme, que ce soit l’énergie, l’eau, l’alimentation, la première étape est de savoir ce dont on a réellement besoin. On peut se demander si on a besoin d’avoir 22 degrés dans sa maison, de manger autant de viande, d’acheter autant de vêtements. Si on produit soi-même son électricité, on fait très attention à ce qu’on consomme ».
Pas de renoncement
En matière de chauffage, l’ancien informaticien a dû s’adapter : « Pour le chauffage, on a acheté un bois. On ne fait que du chauffage au bois. On a du solaire thermique pour l’eau chaude. Dans la maison, la température est à 19 degrés. On fait aussi 50 % de la cuisson au bois ». Il poursuit : « Je n’ai pas eu besoin de renoncer à des appareils électriques car j’ai toujours été autonome à ce sujet. Dans une maison, les éléments qui consomment le plus le sont pour la cuisson, comme le four et les plaques, ainsi que le chauffe-eau. Cuisiner au bois est une solution. Les jours où il fait beau je vais utiliser mon four électrique et je ne le fais pas les jours où il ne fait pas beau. Il y a des éléments que je n’ai pas, comme le sèche-linge par exemple ». Rémi n’a pas dû renoncer à un certain confort : « Nous utilisons une machine à laver et un lave-vaisselle. Ces deux éléments sont branchés sur l’eau chaude de la chaudière. On n’utilise pas d’électricité pour chauffer l’eau. Pour le frigo, l’hiver on a un frigo naturel : il est dans un mur, avec des ventilations vers l’extérieur. A partir du moment où il fait moins de 5 degrés à l’extérieur, on n’a plus besoin d’utiliser notre frigo électrique ».
20 000 euros d'investissements
Il ajoute : « On utilise aussi les low-techs (NDLR, Technologie utilisant des moyens techniques simples et accessibles). En été, on a recours à un four solaire qui permet de faire de la cuisson basse température. C’est quatre fois plus long que sur un four classique mais on va utiliser zéro énergie, sauf celle des rayons solaires. On peut aussi remplacer une plaque électrique par un cuiseur solaire ». Mais toute cette installation énergétique a bien évidemment un coût : « Pour devenir autonome en électricité, j’ai dépensé 20 000 euros, pour les batteries, les panneaux solaires, les éléments électroniques, les onduleurs ». En matière d’eau aussi, Rémi ne fait pas comme tout le monde : « Pour l’eau, on a une récupération d’eau de pluie. La majeure partie de la consommation de la maison passe là-dessus. On a aussi un système de filtres. Pour le moment, on utilise l’eau du réseau. Si on ne veut plus le faire, on utilise nos filtres. C’est le cas en ce moment, car il y a trop de chlore dans l’eau de la commune ».
La nécessité de la résilience
Rémi justifie son mode de vie particulier, inspiré de la collapsologie : « Aujourd’hui on nous parle d’autonomie simplement pour des raisons financières, alors qu’au final, il y a plein d’autres raisons pour s’intéresser à l’autonomie. Ce pourrait être pour des raisons qualitatives, éthiques ou pour des raisons d’indépendance. On nous menace de coupures cet hiver. On peut se plaindre ou se dire que, puisqu’il n’y a pas assez d’électricité pour tout le monde, on va diminuer notre consommation et produire une partie de notre électricité ». Pour lui, la résilience est devenue la règle à suivre. Il s’en explique : « La résilience c’est la capacité à opérer un changement de vie. On sait que notre société va buter dans le siècle, et ça a déjà commencé. Même notre président a expliqué que c’était la fin de l’abondance. Il va falloir qu’on s’adapte. Pour cela, il faut augmenter son niveau de résilience par l’autonomie ». Mais cette sobriété n’est pas un renoncement. Elle doit être heureuse, selon Rémi : « On se rend compte qu’on consomme trop et que ce n’est pas cela qui nous rend heureux. Diminuer son rythme, faire son potager, aller dans la forêt pour couper du bois, c’est beaucoup moins impactant pour la planète que de regarder Netflix. Cela rend bien plus heureux que de regarder des séries comme Squid Game. De plus, une heure de film en streaming consomme autant d’énergie qu’un chauffe-eau électrique pendant 24 heures, à cause des serveurs de Netflix ».
Le regard des autres qui évolue
Le collapsologue avoue qu’il a pu passer pour un hurluberlu aux yeux de certains. Mais depuis quelques temps, le regard des autres a changé : « Le maire du village m’a dit cet été, pendant la pénurie d’eau, que j’avais de la chance, que je faisais partie des deux habitants de la commune qui ont encore le droit de nettoyer leur voiture à l’eau. On est deux dans la commune à récupérer l’eau de pluie. Je lui ai expliqué que je ne lavais jamais ma voiture. Il m’a répondu qu’on serait peut-être obligés d’adopter un mode de vie comme le mien. Il ne le disait pas avec un ton de regret, en affirmant que je n’avais peut-être pas si tort que cela. Aujourd’hui on n’a plus tellement de regards accusateurs et on ne se fait plus traiter d’extrémistes ». Désormais Rémi Richart forme des personnes à son mode de vie résilient. Il est également le coauteur, avec Didier Flipo, d’un ouvrage qui s’intitule « La Maison résiliente », paru aux éditions Terran.