Dans le Cantal, la censure de la loi sur la promotion des langues régionales inquiète. L'enseignement immersif de dialectes comme l'occitan à l'école pourrait être remis en cause. Un député du Cantal et une école d'Aurillac se disent inquiets pour ce patrimoine culturel.
Le mois dernier, une loi sur la promotion et la protection des langues régionales, la loi Molac, était votée. Depuis, le Conseil Constitutionnel l’a en partie censurée. L'enseignement immersif et certains signes typographiques propres aux langues régionales sont ainsi remis en cause. Certains défenseurs de l'occitan dans le Cantal s'inquiètent de la perte d'un patrimoine.
La loi Molac
A l’origine, la loi sur la promotion et la protection des langues régionales participait à la reconnaissance des identités culturelles en France. Dans son article 4, la loi disposait la possibilité d'un apprentissage immersif des langues régionales dans l'enseignement public. Cette loi Molac a été votée à l’Assemblée nationale le 8 avril dernier. Mais depuis, une soixantaine de députés ont soumis le texte au Conseil Constitutionnel, qui a jugé l’article 4 inconstitutionnel. « Je déplore cette décision qui interroge les écoles privées sous contrat avec l’Education nationale qui proposent actuellement un enseignement immersif, à l’image de la Calandreta dans le Cantal », écrit le député du Cantal Vincent Descoeur dans un communiqué. Il avait voté pour la première version de la loi, avec l'article 4, et dénonce une « manoeuvre qui conduit à désavouer le vote des parlementaires. »
Une transmission culturelle indispensable
Dans le Cantal, l'inquiétude est grande. « On va enterrer les langues et la transmission. Jusque-là, on avait des gens qui parlaient l’occitan, des anciens ou des gens qui l’avaient entendu. Là, on arrive à une rupture et l’enseignement est obligatoire, plaide Jean-Pierre Malichier, président de l'ACEOC, une association de culture occitane basée à Aurillac. Si on coupe cette transmission par les enfants, on coupe la langue. Or derrière, il y a une culture, des traditions. S’il n’y a pas cette transmission-là, tout va s’écrouler. On perd du patrimoine, on perd de l’histoire et on perd notre identité. Notre identité est double : occitane cantalienne et française. Où est le problème, si ce n’est de vouloir formater ? » Il ajoute : « Vous voulez qu’on parle français ? Et bien, moi, je ne vais parler qu’occitan. »
Une pédagogie qui fait ses preuves
Les écoles immersives ont pourtant la cote dans le Cantal. « Les écoles immersives garantissent que les enfants vont réellement être locuteurs. Ils sont plongés dans un bain de langues, explique Bernard Giacomo, co-président de l’école Calandreta del Vernhat à Aurillac. C’est la méthode qui permet de forger réellement des adultes bilingues. Le reste, les études montrent que c’est beaucoup moins efficace. C’est pour cela que partout, on va vers cette méthodologie. Je pense qu’il y a une volonté d’uniformisation de la part de l’appareil d’Etat. C’est l’attaque la plus grave depuis plus d’un siècle. » La pédagogie de la Calandreta convainc chaque année plus de parents. D'après Emilie Couderc, enseignante vacataire à la Calandreta del Vernhat, les inscriptions sont en hausse depuis plusieurs années : « En maternelle, nous avons 19 enfants. 41 élèves en tout. Nous avons des appels fréquents pour des rentrées à l’école. »
Changer la Constitution
Des manifestations sont organisées partout en France avec un objectif : modifier l’article 2 de la Constitution française. Cet article précise que « La langue de la République est le français. » Bernard Giacomo croit en la mobilisation : « Nous pensons qu’il y a aujourd’hui un vrai moment pour obtenir cette modification, qui ferait que la législation française se mette en accord avec la société et le droit international. »
Quatre rassemblements sont prévus dans le Cantal samedi 29 mai pour protester contre la loi Molac.