Dans le Cantal, à cause de la sécheresse les éleveurs n’ont plus assez d’herbe pour nourrir leurs troupeaux, comme en 2018. Or pour produire du fromage Salers, une AOC, il faut une certaine quantité d’herbe dans l’alimentation des vaches.
Une fois de plus dans le Cantal, les producteurs de fromage Salers subissent les conséquences de la sécheresse. A mi-saison seulement (la production se déroule de mi-avril à mi-novembre), certains fromagers ont dû mettre un terme à leur production. Ce fromage AOP doit en effet respecter un cahier des charges précis, qui impose notamment que les vaches soient nourries d’herbe à 75%. Or, cette herbe manque à cause de la sécheresse : impossible donc de faire du Salers tel que défini par le cahier des charges.
Au comité interprofessionnel des fromages (CIF), la section Salers qui gère l’AOP a entamé les démarches pour demander une dérogation, pour avoir l’autorisation de remplacer l’herbe par le foin de la zone. Une solution par défaut, qui ne règlerait pas complètement le problème cependant, la qualité pouvant en pâtir : "Automatiquement entre l’herbe et le foin ce ne sont pas les mêmes arômes, déplore Laurent Roux, du GAEC de la Calsade à Badailhac. Le consommateur va se dire ‘il est bizarre cette année le Salers, il est un peu blanc’."
Laurent Roux fait partie de ceux qui ont arrêté la production, faute d’avoir de l’herbe. Une situation qu’il juge "un peu inquiétante". D’autant plus que déjà l’année dernière, moins de fromage que d’habitude ont été produits, là encore à cause de la sécheresse. "Sur 375 plaques, nous n’en avions montées que 330, ce qui représente 25.000 euros de perdus. A l’heure actuelle, nous en avons montées 200." Autrement dit, en l’absence de dérogation, ou en l’absence d’une météo plus clémente, les pertes risquent d’être lourdes. "Il y a un enjeu financier énorme", souligne Laurent Roux.
A la place, du Cantal
A Pailherols, même inquiétude chez Jean-Louis Prunet, du GAEC Prunet Frères. Pour l’instant, les pâtures tiennent le coup, mais le fromager sait que "cela risque de ne pas durer". Pour l’instant, il n’a pu produire que 150 pièces sur les 375 fromages qu’il doit faire dans la saison. Comme d’autres, il pourra transformer son lait en Cantal, dont le cahier des charges est plus souple. Mais l’intérêt n’est pas le même, puisque le Cantal se vend moins cher. "Il faut parvenir à l’écouler, déclare Jean-Louis Prunet, ce qui est plus difficile que pour le Salers, et il rapporte moins. Sauf que vu les investissements que nous avons faits, il faut que ça rapporte."
"La différence entre Cantal et Salers peut être énorme, en particulier lorsque l’on vend à un affineur", ajoute Laurent Lours, président de la section Salers au CIF. Lui aussi s’inquiète : "Deux ans d’affilée avec une production en baisse, c’est rare. Si la sécheresse ne dure qu’un mois, ce ne sera pas dramatique. Mais le souvenir de l’an dernier pèse lourd, nous avons peur de revivre la même chose : d’août à décembre, nous n’avons pas pu bien nourrir les bêtes, donc nous espérons que la sécheresse va durer moins longtemps." Pour Laurent Lours, si les périodes de sécheresse deviennent trop fréquentes, il faudra se poser des questions : "Peut-être qu’il faudra revoir le cahier des charges de l’appellation Salers. Un cahier des charges n’est pas fait pour qu’on demande des dérogations tous les ans."