Du 4 au 12 février, le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles du Cantal organise une collecte de protections hygiéniques aux portes de plusieurs grandes surfaces partenaires. Une démarche qui permet de s’attaquer au tabou de la précarité menstruelle.
Si l’on est habitués aux collectes de denrées alimentaires pour les Restos du Cœur, la Banque Alimentaire ou d’autres associations caritatives, celle menée par le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles du Cantal du 4 au 12 février 2022 a de quoi surprendre les clients de certaines grandes surfaces d’Aurillac, Mauriac, Saint-Flour ou Maurs. Pendant deux week-end, des bénévoles demandent aux donateurs de déposer dans leur chariot des protections hygiéniques.
« Ça fait 4 ans qu’on fait cette collecte et au début les hommes et les femmes nous regardaient avec des yeux étonnés » explique Agnès Bouysse, la coordinatrice du CIDFF du Cantal. « Les hommes avaient l’air d’éviter les bénévoles à l’entrée du magasin ou nous disaient qu’ils n’allaient pas passer par ces rayons-là, qu’ils ne savaient pas où c’est. On sentait de l’étonnement et même un peu de peur. Depuis lors des dernières éditions, de plus en plus viennent mettre des choses dans le caddie, hommes et femmes prennent le temps de discuter pour mieux comprendre cette précarité menstruelle ».
« Dans les publics que l’on reçoit on a essentiellement des femmes en situation financière assez précaire et elles nous disaient : moi la priorité c’est mes enfants, les couches pour les enfants, les habits, la nourriture… Et certaines disaient : je n’ai pas pu aller à un entretien d’embauche parce que ça tombait là et je n’avais rien pour me protéger. Pour les enseignantes de sport c’est aussi un problème car ça empêche les filles de suivre les activités physiques et sportives ».
Les syndicats étudiants avaient déjà insisté sur ce point, les dépenses liées aux règles menstruelles pèsent lourdement sur le budget des jeunes femmes et sont une source d’inégalité économique entre les femmes et les hommes. « On ne s’imagine pas le coût mais ça revient tous les mois pendant une grande partie de la vie d’une femme. Des études ont montré qu’on était autour de 23 000 € pour toute une vie si l’on compte les protections, le nettoyage des vêtements tâchés et les médicaments en cas de règles douloureuses » précise Agnès Bouysse.
Un tabou à combattre
Longtemps ce sujet a été éclipsé. « Le fait que ça ne soit plus tabou, ce serait de pouvoir le dire sans être gênée. Ça reste très compliqué sauf si on est dans un milieu entre femmes où c’est plus facile, mais dans une société, une entreprise ou une association avec des publics mixtes on ne va pas le dire » poursuit-elle.
« Cette question est maintenant prise en compte en France et dans certains autres pays comme l’Ecosse qui donne une gratuité totale des protections féminines. En France, l’Education Nationale va mettre en place des distributeurs gratuits dans tous les lycées et aussi pour les étudiantes dans les universités et donc des protections à disposition. On véhicule tous des préjugés sur les femmes, sur les hommes qui peuvent entraîner des discriminations et c’est sur ça aussi qu’on travaille beaucoup, on lutte contre ce sexisme ordinaire même auprès des enfants ».
La collecte se déroule pendant 3 jours, un premier vendredi et un samedi, puis un second samedi la semaine suivante. Mais déjà dans un magasin bio d’Aurillac on a décidé que le bac installé pour recueillir les dons restera en place plus longtemps. « On l’a mis sur une durée plus longue, si les clients ne l’ont pas vu la première fois, ils peuvent donner après. Mais au bout de 2 jours, il y a en a déjà, c’est bon signe » dit la gérante Noémie Richard. « Plusieurs fois dans l’année, on participe à des collectes au niveau de l’alimentation avec les Secours Populaire et la Banque Alimentaire, et là on nous a sollicités. Le sujet de l’hygiène intime nous touche beaucoup, on est beaucoup de femmes dans l’équipe, du coup c’était l’occasion de faire quelque chose pour ces produits-là ».
« On entend beaucoup parler des problèmes de précarité alimentaire, sur le logement. L’hygiène ce n’est pas ce à quoi les gens pensent en premier. Ils imaginent que ce n’est pas une priorité, on n’a pas ce réflexe-là car on imagine que tout le monde y a accès, que ce n’est pas cher, qu’on en trouve partout. Mais je pense qu’il y a des gens qui n’arrivent pas à s’en acheter régulièrement ».
« C’est bien d’être bien protégées, de continuer une vie normale même pendant ces périodes-là. Ça nous parait important qu’il y ait différentes protections qui existent, durables ou moins durables, écologiques… ».
Récolter un maximum de dons, mais aussi parler et convaincre, c’est aussi un des objectifs des bénévoles qui participent à cette collecte.