A Neussargues, dans le Cantal, un photographe a entrepris de tirer le portrait des résidents de l’EHPAD. Une série de photographies exposées au sein même de la maison de retraite médicalisée. Une manière de rendre le sourire à ces personnes âgées dépendantes.
Neussargues, dans le Cantal. Au calme, dans une salle de vie collective de l'EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), Odette Poignet, 90 ans, garde la pose bien consciencieusement dans un fauteuil pour les besoins de Jief Ferraton. Le photographe de Saint-Flour sait comment la détendre et la mettre à l’aise : « faites-moi un petit sourire ! Ouais, super ! Vous êtes un vrai mannequin !».
La vieille dame ne se laisse pas démonter par l’éclairage et les flashs.
« C’était très bien, vous avez bien écouté le photographe et vous êtes très photogénique », la complimente le professionnel.
« Vous travaillez bien Mr Ferraton », lui répond Odette. Et quand on lui présente le cliché, la nonagénaire lâche avec malice : « j’ai beaucoup changé, par rapport à quand on avait 20 ans. On est ridé maintenant. Mais à l’âge que j’ai, il y a encore quelques restes… ».
Savoir établir des liens
« Ce qui est très important dans le portrait, c’est la lumière sur le visage et se rappeler qu’il ne faut pas une lumière de face qui va écraser, faire un éclairage plat. Il faut un éclairage sur le côté… Un point de lumière dans chacun des yeux », souligne Jief Ferraton. Mais avant même l’aspect technique, le photographe sanflorain souhaite insister sur la nécessité d’établir un bon relationnel.« Avec n’importe quelle personne, quand on veut faire un portrait, il faut qu’il y ait un lien, une communication avec la personne. Avant de faire la photo, on va discuter avec elle. Quand j’ai fait cette série, je me suis trouvé face à des gens qui étaient tout à fait conscients et d’autres personnes qui avaient la maladie d’Alzheimer. Il y a une dame qui m’a pris la main et qui s’est mise à pleurer. Je lui ai demandé pourquoi, elle m’a dit parce que vous ne m’avez fait que des compliments. Et là, je l’ai revu, mais elle ne m’a pas reconnu. Tout ça pour dire que c’est prenant, c’est émouvant mais relativement facile quand on a cette passion pour le portrait, pour l’image et qu’on aime les gens », raconte Jief Ferraton.
Changer de regard
Exposées au sein même de l’EHPAD Résidence de l’Alagnon à Neussargues, dans le Cantal, les photographies ont fait l’objet d’un vernissage vendredi 7 juin. Une initiative originale qui n’est pas la première dans cet établissement. En 2018, dans un clip qui a recueilli plus de 70 000 vues sur YouTube, personnels soignants et résidents ont inversé leurs rôles. Une séquence décalée et pleine d’humour, pour changer aussi le regard sur ce type de structure.« C’est très important de montrer que les lieux de vie comme les nôtres ne sont pas des mouroirs, que les personnes doivent être valorisées, et les petits établissements également. C’est un peu le but de cette démarche avec le clip, comme avec cette exposition photo », explique la directrice de l’EHPAD. « C’est vrai que quand les résidents se voient, ils se disent ‘finalement, je ne suis pas si mal que ça, je pose bien’. Ils sont fiers », résume Véronique Martres.
Les familles des résidents ou les visiteurs auront l'occasion de voir l'exposition tout l'été dans la résidence de l'Alagnon.
