« J’ai perdu 11 bêtes en 8 jours, c’est l’hécatombe » : dans le Cantal, la maladie du charbon fait des ravages

Depuis le début de l'été, les montagnes du Cantal voient réapparaître une maladie bovine oubliée depuis plusieurs décennies : la maladie du charbon symptomatique. Elle n'est pas contagieuse pour l'homme. L'épidémie foudroyante a surpris des élevages du département, en frappant surtout les veaux.

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Inodore, invisible…et pourtant c’est un véritable fléau. Depuis le début de l’été, un mal mystérieux s’en prend aux élevages bovins dans des estives du Cantal et cible les animaux les plus jeunes. C’est ce qu’on appelle la maladie du charbon. En quelques jours, une vingtaine de bêtes en ont été victimes. C’est le cas des veaux de Véronique Gibert, du GAEC de Lagarde à Mandailles-Saint-Julien. Cette éleveuse de vaches salers et aubrac ne comprend toujours pas ce qui a frappé ses bêtes. Elle raconte : « J’ai perdu 11 bêtes en 8 jours, c’est l’hécatombe. On les a trouvées mortes le 3 septembre. C’était des veaux, des broutards de 3 à 7 mois. On ne va voir le troupeau que tous les 8 jours car l’étendue est très vaste et ce n’est pas mécanisable. On est montés et on a vu qu’il nous manquait des veaux. On a trouvé des veaux morts le lendemain. J’ai alerté le GDS (Groupement de défense sanitaire, NDLR). On a retrouvé les veaux morts et attaqués par des bêtes. Le vétérinaire nous a parlé de fièvre charbonneuse. Il nous a dit que s’il y avait d’autres cas, ce n’était pas la peine de l’appeler car dès que les bêtes montent, c’est fini. Le sol est contaminé ».
 

Une mortalité foudroyante

GDS est une association d’éleveurs et de vétérinaires. Elle essaie d’améliorer la situation sanitaire du département, en lien avec la préfecture qui lui confie des missions. Florence Poret est vétérinaire conseil au GDS. Elle explique les symptômes de cette maladie : « La maladie du charbon fait partie des maladies à clostridie qui provoquent des morts foudroyantes. Le charbon est une myosite nécrosante donc il peut y avoir au départ l’apparition d’une boiterie sur les membres. Les muscles de l’animal sont atteints et la bête boite. C’est lié à la prolifération de bactéries et à l’accumulation de gaz ou d’œdème. Il peut y avoir en parallèle des agents qui provoquent l’œdème. Cela peut aussi être apparenté à de la gangrène gazeuse. La mortalité est très forte. Ces symptômes ont été décrits par les éleveurs mais la plupart du temps, les symptômes les plus fréquents sont une mortalité foudroyante, sur plusieurs animaux, en très peu de temps ».

Des sols contaminés

Des études ont été menées afin de déterminer l’origine de la contamination des sols. Florence Poret indique : « La boiterie et les nécroses sont plus caractéristiques du charbon symptomatique. C’est cette maladie qu’on observe actuellement. Elle est causée par une bactérie qui va se développer à l’intérieur des tissus, le germe est enfoui profondément. C’est le même type de germes qui provoquent le tétanos ou le botulisme. Par rapport à la maladie du charbon classique, il s’agit d’une autre bactérie. Aujourd’hui on observe une recrudescence de cas, mais le germe est dans la terre. La survie du germe est très importante dans le sol et c’est donc lié à des parcelles. On n’a pas encore élucidé pourquoi tout comme il y a deux ans cette maladie est présente. On reste dans la description de l’événement avec des vérifications analytiques qui sont en cours ». 

Les vautours pointés du doigt

Certains éleveurs n’hésitent pas à mettre en cause les vautours dans la propagation de la maladie. C’est le cas de Fabien Rigal, éleveurs de vaches aubrac à Paulhac. Il souligne : « Le vautour est responsable de la progression aussi rapide de la maladie. Il y a déjà eu des cas de maladie du charbon mais il fallait beaucoup plus de temps pour que cela se disperse. Là, cela frappe tous les élevages du coin qui n’ont pas été vaccinés. Je sais qu’il y a beaucoup de cadavres frappés par la maladie. Je n’ai eu qu’une seule bête touchée. Elle a été autopsiée pour être sûr que c’était bien ça. On a réagi tout de suite et on a vacciné 150 animaux, soit la totalité du cheptel. On a aussi vermifugé les veaux et les génisses ».
 

Le vautour est un bouc émissaire

Mais cet avis n’est pas partagé par tous. Anthony Marque, chargé de mission LPO du Cantal, tient à défendre le vautour : « Le sujet est vraiment compliqué. Le vautour est un bouc émissaire. Personne ne sait s’il est en cause dans cette affaire. Aucun élément scientifique ne permet de dire que le vautour pourrait être responsable, de quelque manière que ce soit, de la dissémination du charbon ». Pour lui ce rapace est un" cul de sac épidémiologique" : « Le charbon est présent dans la terre. Différentes études ont montré que c’est le charbon symptomatique qui a décimé les veaux et cela a été dramatique pour certains éleveurs. Tout le monde est unanime pour dire que ce ne sont pas les vautours qui ont tué les animaux. Le vautour ne bouge pas le cadavre. Ses sucs gastriques sont les plus puissants au monde et ils sont capables d’éliminer toute bactérie et toute maladie. En consommant les cadavres sur place, le vautour est un allié pour la disparition de ce charbon symptomatique. C’est en fait un coup de pouce. De nombreuses revues scientifiques l’attestent. On ne sait pas si le vautour serait capable sur son plumage de transporter les fameux spores du charbon sur une parcelle voisine. Les scientifiques font des recherches là-dessus. On sait que quand le vautour se nettoie dans des mares ou des abreuvoirs, le charbon symptomatique ne survit pas à l’eau. Si les abreuvoirs sont souillés, les éleveurs peuvent contacter la LPO ».

Le rôle de la vaccination

La vaccination permet d’enrayer efficacement la progression de la maladie. Une habitude que les agriculteurs ont perdue au fil des années. Véronique Gibert, du GAEC de Lagarde à Mandailles-Saint-Julien, le concède : « Cela fait 20 ans qu’on est agriculteurs et on n’avait jamais vacciné nos bêtes car on en n’avait jamais entendu parler. On n’avait pas eu de cas. Maintenant on a vacciné mais le mal est fait. Tous les veaux ont été vaccinés, soit une cinquantaine de veaux et une quinzaine de grosses bêtes. La vaccination représente un coût mais ce n’est rien par rapport à la perte ». Fabien Rigal, éleveur à Paulhac, confirme : « On vaccinait avant mais il n’y avait pas beaucoup de cas. C’était contenu à une parcelle. Là, ça touche toutes les parcelles et tous les exploitants ». Florence Poret explique pourquoi la vaccination s’est perdue progressivement : « On ne peut pas dire que tous les éleveurs ne vaccinent plus. Mais quand on a de grosses hécatombes, on constate que les lots en question n’étaient pas vaccinés. Par rapport aux parcelles, comme ça a été résolu par la vaccination, les nouvelles générations d’éleveurs ne connaissent pas forcément le problème que ça représente et arrêtent plus facilement. Ils sont aussi soumis à de nombreuses contraintes sanitaires avec des vaccinations plus ou moins obligatoires : ils choisissent certains vaccins plutôt que de tout faire. Le fait de moins voir la maladie présente, ajouté à d’autres vaccinations, peut constituer une explication de la baisse de la vaccination ».

Ces bêtes n’ont pas mérité de mourir aussi rapidement

Quelques jours après la perte de ses veaux, Véronique Gibert est combattive : « Les éleveurs sont très inquiets. Les pertes sont importantes. Ces jeunes bêtes n’ont pas mérité de mourir aussi rapidement. On va se battre pour essayer de le faire passer en catastrophe naturelle pour voir si l’on peut être indemnisés. Je veux surtout informer les agriculteurs qu’ils se dépêchent de vacciner. Quand on va rentrer toutes nos vaches, on va tout vacciner par précaution ». Vendredi  10 septembre, une réunion d’information est organisée à Mandailles-Saint-Julien. Elle a pour objectif de sensibiliser les éleveurs à la vaccination en attendant de trouver plus d’explications à la progression de la maladie du charbon.

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