Avec des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents, économiser l’eau est une préoccupation majeure pour les jardiniers. Un maraîcher livre quelques conseils pour protéger son potager du manque d’eau.
Sécheresse, restrictions d’eau : l’été 2022 a été particulièrement rude pour les jardiniers. Avec la belle saison qui approche, voici quelques astuces pour protéger son potager du manque d’eau et des fortes chaleurs. Didier Flipo, maraîcher bio dans le Cantal, gère la chaîne YouTube « Mon potager plaisir ». Il rappelle pourquoi l’eau est essentielle pour le potager : « Il faut bien avoir en tête qu’un légume ne mange que quand il boit. Pour récupérer des oligoéléments dans le sol et pour grandir, en faisant de la photosynthèse, il a absolument besoin de boire de l’eau par ses racines. S’il ne peut plus capter de l’eau dans ses racines, il arrête de faire de la photosynthèse et il arrête de se développer, de produire des fruits. Quand il y a des périodes de grande chaleur, les tomates ne mûrissent plus alors qu’il fait vraiment chaud : c’est parce qu’il n’y a plus de photosynthèse. Les plantes se mettent en pause et plus rien ne pousse dans le jardin. Si elles n’ont pas à boire, elles ne pourront pas pousser ».
L'importance du paillage toute l'année
Pailler son potager est le premier geste à faire selon Didier Flipo. Cette couverture végétale a plusieurs avantages : « Le plus important est de disposer du paillage. Il va éviter l’évaporation principalement. Si on veut faire encore mieux, il ne faut pas le mettre qu’à la belle saison, il faut l’avoir toute l’année. Il y aura un autre effet, celui de protéger la vie du sol pendant toute l’année : la protéger de la chaleur en été et du froid en hiver. En se décomposant, le paillage nourrit toute la vie du sol. Plus on va avoir de la vie dans un sol, avec des microorganismes, des champignons, mieux le sol sera structuré et plus il sera capable de stocker de l’eau, quel que soit le type de sol ».
Le maraîcher explique comment placer le paillage : « L’idéal est de disposer le paillage en fin d’automne, au moment où le sol est encore chaud. On va placer un manteau sur le sol. Si on a un sol très argileux, il faut commencer par en mettre peu les premières années car il est un peu fragile : on ne va mettre qu’entre 5 et 10 cm de paillage. Pour tous les autres sols, on peut se permettre d’en mettre 15 à 20 cm. Pour le paillage, on peut utiliser tout ce qu’on a sous la main. Il faut que ce soit un paillage organique : du foin, de la paille, des feuilles mortes, des fougères. Il faut éviter le paillage plastique, qui n’est pas recommandé. Normalement, on peut en remettre une fois par an mais on peut en rajouter un peu en cours d’été, si on commence à voir la terre ». Didier Flipo insiste : « Il ne faut pas hésiter à arroser par-dessus, ou en goutte à goutte, placé sous le paillage. Quand on va arroser, cela va humidifier le paillage. Il va plus facilement se décomposer. Cela va aussi empêcher l’évaporation de l’eau ».
Des arbres au milieu du potager
Pour économiser l’eau, une autre astuce peut s’avérer payante : « A plus long terme, avoir des arbres au milieu du potager est une très bonne idée. Dans un premier temps, le bilan est légèrement négatif car un arbre va pomper de l’eau mais, à plus long terme, cela va faire un ombrage qui va être bien utile pour l’été. Cela va aussi contribuer à avoir une bonne vie dans le sol. Le bénéfice commence à devenir positif au bout de 3, 4, 5 ans. Il faut juste veiller à ne pas mettre des arbres qui vont devenir trop grands. On peut partir sur des arbres fruitiers, avec des porte-greffes plutôt nanifiants, comme des porte-greffes M9 ou M106. C’est ce porte-greffe qui va déterminer la vigueur de l’arbre quand il va grandir ».
Privilégier les légumes moins gourmands en eau
Il faut aussi bien choisir ses plantes : « On peut essayer de jouer sur les légumes qu’on va mettre en place. On va choisir des légumes un peu moins gourmands en eau, comme toutes les solanacées, la famille des tomates, poivrons, aubergines. On va éviter les salades, tous les légumes qui ont des grandes feuilles, les légumes dont on mange les feuilles. Une feuille est un grand évaporateur d’eau et donc cela va consommer de l’eau. Pour ceux qui veulent vraiment des salades, on peut conseiller la saladin, la cantarix, la hardy et la maravilla de verano : même s’il y a des fortes chaleurs et qu’elles manquent un peu d’eau, elles vont moins avoir tendance à monter en graine que d’autres variétés ».
Arroser au bon moment
Le maraîcher donne quelques conseils pour l’arrosage : « Si on arrose, il vaut mieux le faire la nuit, en deuxième partie de nuit. On peut avoir des programmateurs d’arrosage et les lancer vers 4 heures ou 5 heures du matin. Arroser plus tôt ne sert pas à grand-chose car les plantes ne vont pas boire. Elles commencent à boire dans le sol quand il commence à y avoir de la lumière, en faisant de la photosynthèse ». Il souligne : « On évite d’arroser en pleine journée car c’est de l’eau qui va rapidement s’évaporer. La seule exception pour arroser en journée est si on a vraiment beaucoup d’eau à disposition et qu’on est en canicule : dans ce cas-là, on va arroser à peine 5 minutes, 3 à 4 fois par jour, dans l’optique de climatiser et de rafraîchir ».
Récupérer l'eau de pluie
Enfin, on peut penser à mettre en place un système de récupération de l’eau de pluie : « Toute l’eau récupérée peut être utilisée, même en cas de restrictions d’irrigation. On peut trouver des grosses cuves qui vont faire 200 à 500 litres. Une autre solution revient moins chère et est tout aussi efficace : les tonnes à eau. Ce sont des cuves d’un mètre cube qui sont dans une cage métallique, aussi appelées cuves IBC. On peut aussi en trouver d’occasion en faisant attention à ce qu’elles ont contenu avant. Pour ceux qui ont vraiment envie d’être autonomes, on peut mettre des cuves enterrées ».
Dernier conseil du jardinier : il vaut mieux mélanger les plantes du potager, plutôt que de faire des rangées, le sol sera ainsi enrichi. Un sol plus riche donnera de meilleurs nutriments pour les légumes et conservera mieux l'eau. Un cercle vertueux pour le potager.