C'est un village du Cantal, une vache et un fromage. Salers : un nom que les Auvergnats connaissent bien, ce qui n'est pas forcément le cas des touristes. Ce nom sera sur toutes le bouches lors du Salon de l'agriculture. Cette année, c'est une vache salers, Ovalie, qui en est l'égérie. Mais attention à bien prononcer "salers". On vous explique pourquoi il ne faut absolument plus faire la faute.
Elle s'appelle Ovalie, et c'est l'égérie du Salon de l'agriculture 2023. Cette superbe vache à la robe acajou et aux cornes en forme de lyre est de race salers. Salers est également le nom d'un village et d'un fromage du Cantal. Mais si vous ne voulez pas vous attirer les foudres des habitants du Cantal, ne prononcez surtout pas le "S" final de Salers. Quelle terrible méprise, qui est trop souvent le lot de journalistes mal informés ! Les Cantaliens tiennent à ce que l’on prononce correctement ces atouts du patrimoine local. Daniel Brugès, auteur et illustrateur du Cantal, en fait partie : « Quand on parle en langue occitane, en langue d’oc, on prononce bien le S. Les gens du pays, lorsqu’ils parlent en patois disent bien SalerS, aussi bien pour la race que pour le village. En revanche, en français, on ne le prononce pas. C’est une lettre finale donc elle ne se prononce pas du tout. Beaucoup de journalistes parisiens prononcent le S. J’ai encore entendu, pour l’annonce du Salon de l’agriculture à Paris, un journaliste parler d’Ovalie, la vache Salersssse, en prononçant le S, alors qu’en français, on ne le dit pas du tout ».
A titre personnel, ça m’agace toujours un peu parce que c’est presque devenu un parisianisme, sans être péjoratif
Daniel Brugès, auteur et illustrateur du Cantal
Daniel Brugès de poursuivre : « C’est souvent le cas pour des gens qui ne se sont pas renseignés et qui le prononcent de la sorte. Pour les gens du pays, entendre Salersssse à tout bout de champ c’est un petit peu agaçant. Mais il y a des choses plus graves ! Cet agacement n’est pas très fort, ce n’est pas un énervement non plus ». L’auteur cantalien rappelle que le village aveyronnais de Laguiole est lui aussi souvent mal prononcé : on doit dire Layole.
Un maire attaché à la bonne prononciation
Jean-Louis Faure, maire (LR) de Salers, est tout aussi catégorique : « C’est Salers et non SalerS. Beaucoup de Parisiens prononcent SalerS. Je leur dis qu’on ne prononce pas PariS. C’est tout simple, je dis Salers. Je suis le maire du patelin. J’aime bien qu’on prononce le nom du village comme il faut. C’est la preuve qu’on connaît un petit peu le coin ». L’élu n’est jamais vexé par une mauvaise prononciation : « Qu’on fasse la faute me fait sourire. Les gens ne font pas cela pour nous embêter. Ils ne savent pas. Il n’y a pas que les Parisiens qui font la faute. Dès qu’on parle du pays ou du village, c’est une bonne chose ».
Des touristes maladroits
La maison de la Salers est un musée situé à Saint-Bonnet-de-Salers. Environ 8 000 touristes ont fréquenté les lieux en 2022. Parmi eux, nombreux sont ceux qui ont mal prononcé le nom de Salers. Magali Lherm, agent territorial, raconte, amusée : « Les touristes font la faute très fréquemment. On les reprend gentiment, sur le ton de la plaisanterie. Beaucoup de touristes nous demandent en amont comment ça se prononce. Une majorité de touristes font la faute. C’est notre terroir : le fromage salers, la vache salers, le pays de Salers. On y tient ». Nathalie Cambon, collaboratrice du GAEC Cambon de Saint-Paul-des-Landes, voit aussi défiler de nombreux touristes dans son exploitation. Avec 45 vaches laitières, 70 allaitantes et 25 jeunes, le GAEC produit son propre fromage, l’Acajou, en référence à la couleur de la robe de la vache salers. Elle souligne : « Cela nous fait plaisir lorsqu’on entend Salers et non Salersssse. On a l’habitude de l’entendre ainsi. Les touristes qui prononcent mal le nom me font rire. Je leur dis qu’on parle de Paris et non de Parisssse. Cela nous fait sourire. Il vaut mieux prendre les choses à la rigolade ».
L'origine du nom de Salers
Isabelle Combes est la présidente de l’Association de sauvegarde du patrimoine de Salers. Elle explique l’étymologie du nom de la ville : « Avant, Salers s’appelait Salern. J’ai interrogé Philippe Olivier, linguiste et spécialiste du moyen occitan. Il dit que jusqu’au XVIe siècle, Salers s’appelait Salern. Comme les consonnes finales tombent en auvergnat, Salern est devenu Saler. Au XVIIe siècle, sans raison apparente, on a ajouté un S. Salern vient des seigneurs de Salern, qui étaient présents sur le site depuis l’an 1000. Salern a « sal » comme racine, qui signifie rocher, grosse pierre ou piton rocheux, et « ern » qui veut aussi dire piton rocheux en latin. Effectivement, à Salers, il y a deux pitons rocheux, celui du château et celui de la cité enclose. Cette théorie a été développée par Philippe Garrigue, un ancien guide de Salers aujourd'hui décédé ». Elle poursuit : « C’est la vache qui doit son nom à la ville. La vache n’est apparue qu’avec les croisements opérés par Tyssandier d’Escous, au XIXe siècle. Elle a pris le nom de la ville et le fromage aussi. La ville était là depuis l’an 1000 ». Isabelle Combes précise qu’une bonne prononciation de Salers est un signe de ralliement : « Chez nous, tout le monde prononce Salers, sauf les touristes. Quand c’est mal prononcé, cela nous fait sourire. On leur fait remarquer mais ce n’est pas très important. On se reconnaît entre nous ».
Mais savez-vous comment on appelle les habitants de Salers ? Les Sagraniers ! La présidente de l’Association de sauvegarde du patrimoine de Salers indique : « Quand les habitants venaient de la ville de Salern, on les appelait les Salerniers ou les Salernois. C’est devenu « los Sagerniers », car, dans toute la région, le L est passé au G en occitan, dans l’évolution de la langue. Ensuite, il y a eu une inversion du E et du R. C’est devenu les Sagreniers. Sagraniers est la version occitane des Salernois ». Désormais, vous savez prononcer Salers parfaitement et vous connaissez même le nom des habitants du village. De grâce, ne commettez plus d’impair !