Sécheresse : comment les barrages adaptent leur production d’électricité

Avec le changement climatique, les épisodes de sécheresse se font de plus en plus fréquents. Dépendants de la ressource en eau, les barrages doivent donc adapter leur fonctionnement. Exemple aux confins du Cantal et de la Corrèze, avec l’immense barrage de Bort-les-Orgues.

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Dépendants des ressources en eau, les barrages sont affectés par le changement climatique et les épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents. Certains, comme le barrage de Lavalette en Haute-Loire, sont même contraints de stopper la production d’électricité. Sans en arriver à de telles extrémités, les gestionnaires de ces retenues d’eau doivent s’adapter. C’est le cas d’EDF Hydro dans la vallée de la Dordogne : 58 barrages et 28 centrales hydroélectriques qui produisent la consommation d'environ 1 million de foyers sur l'année. Un milliard de mètres cubes d'eau y sont stockés, dont un peu plus de la moitié dans le barrage de Bort-Les-Orgues, en haut de la vallée, aux confins du Cantal et de la Corrèze. “Il est en quelque sorte le château d'eau de la vallée”, explique Vincent Marmonier, directeur d’EDF Hydro dans la vallée de la Dordogne.  

Une gestion "prudente"

Pour bien gérer ce géant et adapter la production à la ressource, EDF Hydro étudie soigneusement toutes les données, en particulier climatiques : “On est habitué à ce que d'une année sur l'autre, la pluviométrie ne soit pas tout à fait la même. Il y a des années qui sont plus sèches que d'autres. Effectivement, l'année 2022 a été une année sèche, 2020 avait été aussi une année sèche. Mais 2021 par contre, elle, a été une année humide. Au mois de juillet 2021, un certain nombre de barrages étaient en situation de crue. On était obligé de laisser passer l'eau puisqu'on n’avait plus de capacité de stockage”, explique Vincent Marmonier. Dans les années sèches, il faut adapter la gestion de l'eau : “On a une gestion beaucoup plus prudente de la ressource en eau. On économise l'eau, sachant que notre objectif est de remplir nos barrages pour le début de l'été. En 2020, on avait réussi à les remplir en concertation avec l'ensemble des acteurs de l'eau.” 

Soutenir le débit des rivières

En effet, le gestionnaire doit prendre en compte de nombreux paramètres, en amont comme en aval, indique Vincent Marmonier : “L'eau qui est stockée dans nos barrages, elle ne nous appartient pas. C'est un bien commun. Le niveau d'eau des barrages est important par exemple pour les activités touristiques. Pour que ces activités puissent se faire, il faut que le lac soit suffisamment rempli. On a aussi besoin de cette eau pour soutenir le débit des rivières qui, l'été, peut être très faible. On complète le débit naturel par du déstockage depuis nos retenues pour assurer l'eau potable, l'irrigation, la biodiversité... C'est tout cet équilibre-là qu'on cherche à établir.”  

Un mode de production flexible

Ainsi, l’un des leviers à la disposition d’EDF est la flexibilité de ce mode de production, qui peut être mis en route ou stoppé très rapidement. Cet hiver, des économies d’eau étaient nécessaires, et ce procédé a été activé : “Pendant la période hivernale, en particulier en janvier et février, on a produit de l'électricité vraiment au moment précis où le réseau électrique avait besoin de nous. Il faut des moyens de production qui puissent démarrer quelques heures dans la journée, pour assurer les pointes. Et ça, c'est le rôle de l'hydroélectricité. Dans une période de gestion dite “prudente” de la ressource en eau, on va vraiment turbiner et produire au moment des pointes de consommation et pas plus, de façon à économiser l'eau”, raconte Vincent Marmonier. Le barrage de Bort-Les-Orgues était alors capable de démarrer en quelques minutes pour produire de l'électricité, quelques heures le matin et quelques heures le soir. Le reste du temps, il était à l'arrêt pour économiser l'eau. 

"Il faut qu'on adapte notre gestion de la ressource à ce contexte"

Si la centrale hydroélectrique a, pour l’heure, réussi à s’adapter, la ressource se fait plus rare et les ajustements, plus fréquents : “Cela fait 60 ans qu'on exploite cette vallée. On a une connaissance et un historique de la pluviométrie. Ce qu'on constate ces dernières années, c'est qu’une année sèche succède à une année sèche. C’est une répétition plus fréquente des épisodes secs qui ont tendance à être plus longs et plus intenses, mais aussi à l'inverse, des épisodes de pluviométrie aussi plus forts et plus intenses. Il faut qu'on adapte notre gestion de la ressource à ce contexte, pour être en capacité de stocker l'eau quand elle tombe et ensuite, la déstocker dans une logique de partage de l'eau. C'est le stock de nos barrages qui alimente la vallée”, explique Vincent Marmonier. 

Pas d'inquiétudes pour l'été 2023

Cette année, malgré un hiver sec, pas d’inquiétudes pour l’été. Amont et aval devraient avoir leur quota d’eau, rassure le directeur : “Au barrage de Bort, on a ce qu'on appelle une cote minimale estivale qui doit être tenue en juillet et en août. Cette année, on est déjà plusieurs mètres au-dessus du minimum de cette cote estivale. Il n’y a pas d'inquiétude, on sera à la cote. L'an dernier, qui avait été une année extrêmement sèche, on a tenu la cote estivale tout l'été. Aujourd'hui, ça ne s'est jamais produit que l’on doive activer des procédures spéciales et ce n’est pas le scénario le plus probable pour cette année. Cependant, si on devait, avant la fin du mois d'août, être en risque de descendre en dessous du niveau minimum, les pouvoirs publics feraient les arbitrages nécessaires. On pourrait soit économiser l'eau et adapter un certain nombre d'usages à l’aval, soit au contraire descendre en dessous de la cote minimale de façon à assurer les usages.” En effet, le barrage a un rôle de régulateur, comme le montre le graphique ci-dessous : 

En bleu, les débits restitués par la rivière Dordogne et en jaune, les débits naturels reconstitués sans les barrages pour 2022. "On voit bien le rôle de tampon et de régulateur que la chaîne de barrage de la vallée joue en période de sécheresse."

"L'hydro a été au rendez-vous"

Pas d’inquiétude non plus au niveau énergétique : la production devrait être assurée normalement : "La consommation estivale est plus faible que la consommation l'hiver. On a aussi l'expérience de l'année 2022, qui a été une année particulièrement chaude avec plusieurs épisodes caniculaires au mois de juin, juillet et août. L'hydro a été au rendez-vous et on a su assurer les pointes de consommation. Ça a été le cas par exemple sur la Dordogne, au mois de juillet, où on a produit un peu d'électricité au moment des épisodes caniculaires, ce qui ne nous a pas empêché du tout de tenir le niveau des lacs.” Pour garder cet équilibre, des données sont analysées en permanence : “On a tout un réseau de capteurs sur tous les cours d'eau de la vallée qui sont analysés par des experts chez nous qui nous permettent de faire les bons choix entre stocker l'eau ou la laisser passer dans les turbines.” 

Pas d'arrêt en perspective

Le barrage de Bort-Les-Orgues est très grand, 500 millions de mètres cubes, l'équivalent de 200 000 piscines olympiques. “Cela nous fait une réserve d'eau extrêmement importante qui nous permet de faire face à l'aléa météorologique, en particulier des épisodes de sécheresse estivale”, se félicite Vincent Marmonier, qui précise que l’électricité des barrages est en développement dans la région malgré le changement climatique : “En permanence, on s'adapte aux aléas météorologiques et aux variabilités climatiques. L'hydraulique est la première des énergies renouvelables. Elle est pilotable et programmable. Aujourd'hui et encore plus demain, le réseau électrique français aura besoin de l'hydraulique. On est au cœur des enjeux de la transition énergétique et de la transition climatique. Il existe encore en France un potentiel de développement de l'hydroélectricité sur certains barrages, c'est ce que nous faisons dans la vallée de la Dordogne.” 

Il martèle : “On n'est pas dans une situation où on devrait dire que tel barrage, il faut oublier parce qu'il n’y a plus d'eau.” EDF Hydro entend même prolonger le développement de sa capacité de production, par exemple grâce à une nouvelle turbine sur le barrage d’Hautefage, en Corrèze. 

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