Pas de jour non chassé : le gouvernement, n'a pas retenu cette mesure qui promettait de mettre le feu aux poudres du côté des chasseurs. La secrétaire d'Etat à l'Ecologie s'en tient à des dispositifs plus consensuels pour réduire les accidents de chasse : délit d'alcoolémie, formation, information du public sur une plateforme numérique. France Nature Environnement ne cache pas son mécontentement.
Bérangère Couillard, secrétaire d'Etat à l'Ecologie, a présenté les arbitrages du gouvernement en fin de matinée dans le Loiret, à l'issue d'une rencontre avec les agents de l'Office français de la biodiversité (OFB), qui délivre les permis en France et participe à la police de la chasse.
Le plan gouvernemental s'articule en trois axes : renforcer la formation et la sensibilisation des chasseurs, instaurer des règles de sécurité renforcées pendant la chasse et mieux assurer le partage des espaces via une meilleure information des usagers de la nature.
Concernant la sécurité, le gouvernement prévoit de créer "début 2023 une contravention pour sanctionner l'acte de chasse sous l'emprise excessive de l'alcool puis favorisera la création d'un délit par voie législative".
Le renforcement des sanctions en cas d'accident grave est également prévu, avec notamment la possibilité d'un retrait du permis de chasse pour une certaine durée avec interdiction de le repasser.
Le gouvernement veut généraliser une formation à la manipulation pratique des armes pour l'ensemble des chasseurs. "Un chasseur sur deux devra être formé d'ici 2025 et tous les chasseurs devront l'être d'ici 2029", est-il indiqué.
Les organisateurs de battue (environ 200.000 personnes) auront l'obligation de recevoir une formation spécifique par les fédérations "rappelant notamment les règles de sécurité et les enjeux de communication avec les riverains".
Enfin, pour mieux informer les promeneurs et autres usagers de la nature, une plateforme numérique sera mise en place à l'automne pour identifier les zones et les horaires non chassés. Les organisateurs de chasse collective auront l'obligation de s'y déclarer.
Des mesures décevantes
Face à des décisions qui visent au "Zéro accident", l'association France Nature Environnement-Rhône s'avoue particulièrement déçue. "Nous ne sommes pas contre la chasse, mais pour une évolution des pratiques", explique sa présidente départementale. "Nous prônons le partage des pratiques dans les espaces naturels. La chasse y a sa place, mais là, elle a pris toute la place."
Pour Frédérique Resche-Rigon, l'absence de journée sans chasse est une vraie défaite. "Au Portugal, on ne peut chasser que deux jours par semaine et uniquement des espèces qui commettent des dommages importants aux cultures", ajoute-t-elle. "On n'en espérait pas tant : une demi-journée sans chasse aurait déjà été bien accueillie, mais le lobby des chasseurs a une nouvelle fois eu le dernier mot."
Quant à l'application mobile géolocalisant les chasses, elle ne convainc pas. La FNE-Rhône y voit un gadget sans intérêt. Et concernant la limitation à 0,5 gr d'alcool dans le sang pour les chasseurs, c'est l'incompréhension : interdire la chasse aux personnes alcoolisées semblait l'évidence, ce n'est toujours pas prévu.
Les accidents mortels divisés par 3 en 20 ans
Les mesures annoncées par le gouvernement se veulent une réponse aux 8 accidents mortels enregistrés la saison passée, dont deux ont touché des passants : une promeneuse de 25 ans, tuée en février 2022 sur un sentier de randonnée du Cantal par une chasseuse de 17 ans, et un automobiliste de 67 ans, touché en novembre 2021 dans sa voiture près de Rennes.
Si le nombre d'accidents de chasse a légèrement augmenté sur la saison 2021-2022 - 90, contre 80 la saison précédente -, la tendance sur les 20 dernières années est pourtant nettement à la baisse, selon le dernier bilan de l'OFB. Au début des années 2000, l'office recensait en effet autour de 180 accidents par saison. La tendance est similaire pour les accidents mortels, qui ont été divisés par trois par rapport au début des années 2000. De près de 30 par saison, ils sont passé à huit la saison dernière.
On peut toutefois s'alarmer d'une hausse récente de la proportion de victimes non chasseurs qui est passée à 26%, contre 12% en moyenne sur 20 ans. Auparavant, 88% des victimes d'accidents de chasse (morts et blessés confondus) étaient des chasseurs. Sur la période, 29% des accidents sont même des auto-accidents où le chasseur se blesse ou se tue lui-même. Ce week-end encore, un homme de 84 ans qui rangeait son arme dans sa voiture s'est tué accidentellement en Haute-Corse.
A noter, aussi, la cause des accidents : ils sont, "pour la très large majorité, le résultat de fautes humaines liées au non-respect des règles élémentaires de sécurité", souligne l'OFB. L'organisme constate une "augmentation significative" de la proportion de tirs en direction des routes, sentiers et habitations, surtout à la chasse au petit gibier, où ils ont causé 32% des accidents en 2020-2021, contre 15% la saison précédente.