Coronavirus : anxiété, peur de la maladie ou du chômage, tendances suicidaires, les services psychiatrie sous tension

Depuis la fin du confinement, une certaine idée de liberté a été retrouvée. Mais elle n’est pas synonyme de bien-être pour autant. En Isère, le nombre de personnes admises dans les hôpitaux spécialisés et CMP (Centres Médico Psychologiques) n’a pas baissé voire a tendance à augmenter.

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Difficile pour le moment d'établir un constat détaillé. Pour Blandine Perrin, praticienne et déléguée régionale du SPH (Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux), cette tendance se confirme depuis quelques semaines avec notamment l'accueil de chefs d'entreprise, hommes ou femmes, dépassés par la situation et le contexte économique : "encore ce week-end, j'ai accueilli quelqu'un qui ne savait pas comment il allait pouvoir gérer ses salariés, les crédits... pour ces personnes, le monde s'effondre" ajoute Blandine Perrin.
 

Le plus étonnant est que nous voyons des personnes qui n'ont jamais eu d'antécédents psychiatriques


Des troubles anxieux, voire pire. Les médecins observent des cas avec des épisodes délirants, l'impression que le monde médical ne pourra rien faire pour eux, ou qu'ils ont une part de responsabilité dans la progression du virus, avec des tendances suicidaires et des dépressions sévères. Des symptômes qui se sont aussi fait ressentir pendant le confinement et dans ces cas-là, précise Blandine Perrin, le travail des équipes a été primordial : "ils ont été formidables, beaucoup de soignants ont utilisé les tablettes, skype, pour que les patients puissent tout de même voir leurs familles, pour garder le lien."

Peu visibles durant le confinement, les personnes fragiles osent aujourd'hui pousser les portes des hôpitaux psychiatriques, mais "on ne peut pas parler de hausse significative" souligne Mélanie Gaudillier, Secrétaire générale du CHS de la Savoie : "nous faisons néanmoins le même constat qu’ailleurs à savoir l'accueil de nouveaux patients que nous ne connaissions pas auparavant, qui n'étaient jamais venus dans nos services. Par ailleurs, nous remarquons une demande de soins significative en ambulatoire et une légère augmentation des hospitalisations sans consentement."
 

"Il reste beaucoup d'inconnues"

 

Alors comment expliquer cette tendance à un moment où justement les français retrouvent un air de liberté ?
"Il y a certes eu le déconfinement, explique Blandine Perrin, mais ce qui angoisse les gens c'est qu'il reste beaucoup d'inconnues. La grippe on sait que ça tue beaucoup, mais on sait ce que c'est. Beaucoup de mystères entourent encore le Covid-19 et il y a bien entendu la situation économique."

Même constat au CHAI, le Centre Hospitalier Alpes Isère à Saint Egrève, où là aussi de nouveaux patients ont été accueillis en service psychiatrie, sans compter ceux qui n’étaient plus soignés depuis des années : "durant le confinement, en tout cas durant le premier mois, nous avons eu une baisse de la fréquentation car on disait aux gens de ne pas aller aux urgences, mais le deuxième mois la demande s'est accélérée" selon le Docteur Mustapha Bensaadi, responsable du Pôle Urgences au CHAI.

La conséquence c’est qu’aujourd’hui l’hôpital, selon ce médecin, est pratiquement saturé, et qu’il ne reste que très peu de lits vacants (sur les 300 que compte l'établissement) avec 15 à 20 hospitalisations chaque week-end , 50 par semaine.

Des chiffres élevés pour le praticien qui accueille beaucoup de jeunes qui ont connu pour certains des violences ou des tensions intra-familiales durant les deux mois de confinement : "cette crise sanitaire a réveillé des fragilités et il y a eu un abus de produits type alcool ou médicaments, et là aussi nous constatons beaucoup de tendances suicidaires avec parfois passage à l’acte… et je crains que ces chiffres n’augmentent."

Et dans ces cas-là, se pose la question de l’accueil et de la prise en charge de ces nouveaux patients : "certes des lits ont été fermés en raison de la crise sanitaire, mais le problème est plus large que ça" pour Catherine Orjollet, cadre sur le CMP (Centre Médico-Psychologique) de Tullins en Isère, et adhérente CGT des personnels de Saint-Egrève en Isère. "En psychiatrie, nous sommes les oubliés du Covid ! Il nous faut plus de lits pour pouvoir accueillir les patients. Nous ne voulons pas de médailles, nous voulons des moyens."

Plus de lits est une des solutions, mais pas l’unique solution pour Véronique Bourrachot, la Directrice du CHAI à Saint-Egrève, pour qui la crise aura malgré tout servi à tester de nouveaux protocoles qu’elle compte pérenniser.
 

Une cellule d'écoute et de soutien

 

Des dispositifs qui ont permis de fluidifier l’accueil des patients en mettant en place des infirmiers du CHAI au CHU Grenoble Alpes : "leur présence aux urgences (le CHAI n’a pas d’urgences mais des "post urgences") a été très utile pour évaluer rapidement le patient et décider ou non d’une hospitalisation en psychiatrie ou de soins en ambulatoire". Il s’agit bien évidemment d’éviter de séjourner trop longtemps aux urgences, d’avoir un regard plus en amont.

Parmi les autres dispositifs, il y a aussi la création d’une cellule territoriale de gestion des lits qui permet d’avoir une vue d’ensemble, du territoire et d’adapter les moyens, de se coordonner entre toutes les structures.

Enfin une cellule d’écoute et de soutien, dont le numéro était notamment visible dans les mairies ou associations, a elle aussi été créée et devrait évoluer afin d’aider les patients et leurs proches, car elle s’est révélée très utile durant la crise sanitaire.

Autant de dispositifs importants pour une meilleure prise en charge des patients en psychiatrie dans les Alpes, mais ces dispositifs pour être pérennisés demandent des moyens financiers, qu’il va falloir trouver.

 

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