Coronavirus : en Auvergne, les éleveurs bovins veulent le déconfinement de leurs revenus

En Auvergne, les éleveurs bovins se mobilisent pour enrayer la baisse des cours de la viande amorcée au début du confinement. A l’appel de plusieurs syndicats professionnels, ils ont donc décider de retenir sur leurs exploitations les animaux de boucherie prêt à partir pour l’abattoir.

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« On a huit ou dix vaches qui sont bonnes à partir mais elles partiront pas tant qu’il n’y aura pas une évolution des cours ». Christophe Colas est décidé. Cette fois il est prêt à se battre. Installé en GAEC avec son frère depuis 2011, sur la commune de Saint-Marcel-en-Marcillat, dans l’Allier, il élève 130 charolaises et leurs veaux. Des animaux de boucherie dont le prix de vente est en baisse depuis le début du confinement. Il a décidé de rejoindre la fronde des éleveurs français. 

« Ne plus faire partir d’animaux de boucherie tant que le prix n’est pas rémunérateur ! »
 

Le mouvement est parti de l’Allier à l’occasion d’une réunion téléphonique des représentants départementaux de la FNSEA. « Cela fait des années que l’idée était dans l’air. Il y a un moment où il faut taper du poing sur la table », explique Frédéric Blanchonnet, le responsable de la section bovine FNSEA 03. Installé lui aussi à Saint-Marcel-en-Marcillat, il élève 150 animaux. « Depuis le début du confinement, on nous propose des prix d’achat de nos animaux toujours plus bas, en nous expliquant que c’est parce que la consommation baisse, c’est intolérable et c’est faux ! Avant la crise du Covid-19, on vendait nos bêtes 3 euros 60 le kilo de carcasse, aujourd’hui c’est 3,45 voire moins, alors que le prix payé ne couvrait déjà pas les coûts de production ».

L’indignation a vite gagné les autres terres d’élevage et le 20 avril, les sections régionales et départementales bovines de la FNSEA, la Fédération Nationale Bovine, le berceau des races à viande du massif central, et la Confédération paysanne – pourtant peu encline à s’allier à la FNSEA - demandent officiellement aux éleveurs de bovins, de « ne plus faire partir d’animaux de boucherie de leurs exploitations, tant que le prix ne sera pas rémunérateur ».

«Il n’est pas concevable que les prix baissent si la demande augmente »


Une situation qui est due, selon les éleveurs, à l’attitude de l’aval de la filière, les abatteurs, les négociants, la grande distribution qui ne joueraient pas le jeu. « Dès le début du confinement, il y a eu des grosses demandes de viande bovine, les gens se sont mis tout de suite à acheter du bœuf. En trois semaines, plus de 30 % d’augmentation pour le steak haché en frais et plus de 60 % en congelé. Mais par contre on a tout de suite eu des signes négatifs pour les producteurs. On nous a dit, y’a plein d’animaux, on ne sait pas comment on va faire, les gens ne consomment plus », explique Cédric Mandin, le secrétaire général de la FNB installé à Sainte-Cécile en Vendée où il élève, en GAEC avec son frère, 230 charolaises : «Il n’est pas concevable que les prix baissent si la demande augmente ».

« La période de confinement met encore plus en lumière le dysfonctionnement de cette filière et le fait que la variable d’ajustement reste le petit producteur » affirme Bruno Dufayet, président de la Fédération Nationale Bovine (FNB). Pointant « l’opacité » de la filière aval, il renvoie dos à dos transformateurs et distributeurs : « On sait juste que nos prix ont baissé. Suivant les catégories, ça va de 7 à 14 centimes depuis le confinement alors que la consommation est bonne ». Résultat, selon la fédération, le prix payé au kilo de carcasse est inférieur de 1,33 euro aux coûts de production des éleveurs qui perdent plusieurs centaines d’euros par bête, contrairement à ce que prévoit la loi Alimentation. «D’autant qu’en même temps, même si on a perdu la restauration, on a beaucoup moins d’importation de viande de l’extérieur. Les consommateurs choisissent d’acheter français », poursuit Cédric Mandin. Une tendance confirmée par la fédération du commerce et de la distribution (FCD) qui explique que la distribution s’approvisionne à 90-95 % en France.

«On a fait les fonds de tiroirs »


« Nous, en aucun cas, on ne veut que les consommateurs payent plus cher. C’est une question de répartition des marges », précise le Vendéen qui stocke une vingtaine de bêtes sur son exploitation. Elles sont prêtes à partir à l’abattoir, mais il attend. Il n’a pour le moment vendu qu’une seule vache « dans une filière locale, au-dessus des coûts de production ».
Même volonté de Delphine Freyssinier à Trizac, dans le Cantal où elle élève 95 vaches Salers. Six d’entre elles pourraient partir à l’abattoir, mais demeurent dans son exploitation. « C’est la troisième année où je n’ai pas de revenu par l’exploitation, d’ailleurs, depuis mon installation en 2011, entre les rats et la sécheresse, je n’ai pas eu une seule bonne année ».
« Garder des animaux, ça a un coût » explique Frédéric Blanchonnet, le responsable FNSEA de la section bovine de l’Allier. « Nous connaissons très bien les problèmes de trésorerie des éleveurs surtout dans les zones où la sécheresse menace ou sévit déjà mais on n’a pas le choix. On a fait les fonds de tiroirs. On s’est débrouillé comme on a pu. On a vendu ce qui restait de vieilles granges aux Hollandais, on a plus rien. On sait très bien que tous les éleveurs ne vont pas garder tous leurs animaux, mais une partie ça peut jouer… »


Selon la FNB, la France a perdu 2 000 élevages l’an dernier. Pour ces éleveurs, qui demandent toujours un prix minimum, dans l’esprit de la loi Alimentation, il n’y a plus le choix. « Si ça ne marche pas, on est cuit pour un certain nombre d’années », prédit le Bourbonnais et le Vendéen prévient : « On pourra arrêter le mouvement quand on aura des signes positifs au niveau des cours. Si on voit que toutes les semaines il y a une tendance positive sur les cotations et que les prix remontent, alors évidemment, on pourra lever le mouvement, mais il faudra du temps ».

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