Malgré l'isolement lié au confinement, le traitement des malades en psychiatrie a continué tant bien que mal au CHU de Clermont-Ferrand. Les soignants ont limité les dégâts, mais des séquelles persistent. Pierre-Michel Llorca, chef du pôle psychiatrie témoigne.
C’est le soulagement pour le professeur Pierre-Michel Llorca, chef du pôle psychiatrie au CHU de Clermont-Ferrand et membre du comité de direction de la fondation FondaMental. En avril dernier, au début de la crise sanitaire, le chef du pôle psychiatrie du CHU de Clermont-Ferrand cosignait une tribune d’alerte. Aujourd’hui, il dresse un bilan un peu moins négatif : « La crise a eu un effet amplificateur, c’est certain. Mais les services psychiatriques ont réussi à s’organiser. On n’a pas eu la catastrophe sanitaire que l’on redoutait. Les patients ont pu être pris en charge ». Mais le praticien avoue que la situation a été tendue: « Il s’en est fallu de peu pour que la situation nous échappe. Heureusement, la mise en place de plateformes d’écoute et de soutien, pour les patients, mais aussi pour les familles et les soignants a amorti le choc et a permis de garder le lien ».
Des patients en rupture de soins
Des patients laissés à l’abandon. C'était la principale crainte des équipes du service de psychiatrie clermontois. « Avec l’arrêt de leur traitement, certains patients ont atterri aux urgences. En pleine crise de décompensation psychotique. Souvent des personnes en proie à des addictions : drogues, alcool, ou médicaments. Ces patients ont dû être hospitalisés dans des états parfois graves ». C’est le constat du chef du pôle psychiatrie du CHU de Clermont-Ferrand. Mais heureusement note-il « leur nombre a été beaucoup moins important que prévu ».
L’apparition de troubles liés à l'anxiété
Un autre type de patients est en nette augmentation, les personnes qualifiées de « vulnérables ». Pierre-Michel Llorca les décrits : « Il s’agit de personnes qui ont développé des troubles liés à l’anxiété. Elles ont vécu difficilement le confinement. Elles ont parfois toujours peur des suites de l’épidémie. Elles ont aussi du mal à se projeter dans l’avenir, par exemple les étudiants qui sont souvent précaires économiquement. On peut estimer à Clermont-Ferrand, et dans le reste de la France, que les consultations pour ce type de patients ont augmenté de 15 à 20%. Ces personnes se tournent naturellement vers la consommation des produits anxiolytiques à risque. En particulier l’alcool ».
La peur est toujours présente
Une troisième catégorie de patients a été identifiée. Ceux qui restent repliés sur eux-mêmes. Le professeur fait remarquer : « au cœur de la crise, 80% des consultations se faisaient par téléphone ou visioconférence. Aujourd’hui, une minorité de patients restent inquiets. Ils ont peur de revenir consulter à l’hôpital. Il est essentiel de renouer les liens avec eux ». Comme pour les patients qualifiés de vulnérable le recours à des pratiques comme la relaxation ou la méditation peuvent être bénéfiques pour calmer l’anxiété. « Mais ces pratiques ne sont pas remboursées » fait remarquer le chef de service.
Malgré le comportement exemplaire de son service, le Professeur Pierre-Michel Llorca reste amer : « La psychiatrie reste le parent pauvre de la médecine. Le Ségur de la santé qui se tient en ce moment n’a pas prévu de s’occuper de la psychiatrie. Une discipline qui en a pourtant grand besoin ».