Les 20 et 27 juin, les électeurs voteront pour désigner leurs représentants aux Conseils départementaux et régionaux. Dimanche en Politique en Auvergne-Rhône-Alpes consacre deux émissions au décryptage des compétences et des modes de fonctionnement de ces collectivités territoriales de proximité.
Les départements figurent parmi les plus anciennes collectivités qui structurent la vie politique française puisque "C’est un décret du 22 décembre 1789, mis en place effective en 1790" qui les a créés, rappelle en préambule Raphaël Piastra, Professeur de Droit public et Maître de conférence à l’Université Clermont Auvergne. Un découpage du territoire national qui faisait dire à Mirabeau devant l'Assemblée constituante : "Je voudrais une division matérielle dont l'objet ne fût pas seulement d'établir une représentation proportionnelle, mais de rapprocher l'administration des hommes et d'y admettre un plus grand concours de citoyens". On les appelait les Conseils généraux jusqu’en 2015, la loi sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République en a fait des Conseils départementaux, au nom plus évocateur.
"Il y a eu des cartographies qui ont préparé ces départements où on essayait d’avoir des carrés, et puis finalement on a essayé de trouver une forme plus complexe, c’était cette idée qu’il fallait une journée à cheval pour rejoindre le chef-lieu du département. Mais il y a eu cette volonté d’avoir quelque chose de régulier, un pavage de l’espace finalement assez égalitaire. Les communes c’est plutôt la liberté et les régions c’est plutôt la fraternité car ça assemble différents départements et cela essaye de compenser les inégalités des départements", les départements ce serait l'égalité de la devise républicaine explique Laurent Rieutort, directeur de l’Institut d’Auvergne-Rhône-Alpes du Développement des Territoires.
Des conseillers élus en binôme
On votera les 20 et 27 juin dans 2054 cantons de la République, pour désigner, et c’est une nouveauté depuis l’application de la loi NOTRe en 2015, deux représentants selon la méthode du scrutin binominal mixte majoritaire à deux tours. Cela veut dire, comme le détaille Raphaël Piastra que "Chaque canton élit deux conseillers départementaux avec le fameux binôme une femme, un homme au nom de la parité inscrite dans la Constitution ou homme-femme, or quand on regarde le pourcentage des binômes qui commencent par un homme, c’est 60%. Donc il y a beaucoup de travail encore, et le binôme de remplaçants est aussi paritaire. Particularité qu’on ne voit qu’au département, ils ne sont pas obligés d’appartenir au même groupe politique une fois élus".
"C’est une élection à deux tours, soit on est élu à la majorité dès le premier, soit on procède au second tour avec 2 listes et il n’y a pas de triangulaire".
Une collectivité de proximité
Dans le mille-feuille administratif français, si souvent décrié par son accumulation de structures depuis la commune jusqu’à l’Etat, "C’est l’échelon de proximité, surtout après la réforme des régions qui a pu donner l’impression qu’on s’éloignait des citoyens. La question de fond reste comment se coordonnent les différents niveaux et la crise sanitaire a montré l’impact d’une coordination entre les départements, les régions et l’Etat. C’est peut-être l’enjeu le plus important aujourd’hui" indique le géographe Laurent Rieutort.
"Beaucoup de Français ne se rendent pas compte de l’importance du département, c’est une sorte de ciment social, mal connu ou surtout connu des gens qui en bénéficient" dit Raphaël Piastra quand on évoque les compétences des départements : les solidarités et la cohésion territoriale, l’éducation (par la gestion des collèges), l’aménagement et les transports principalement mais aussi la culture, le sport, le tourisme qui sont trois compétences partagées avec les communes et les régions.
Des départements en danger ?
Souvent accusés d’être artificiels par leur découpage (l’autorisation des déplacements à plus de 30 kilomètres pour les habitants des « zones frontières » qui avaient à se rendre dans d’autres départements en avril 2021 contre 10 kilomètres pour les autres en est peut-être un exemple), décrits comme des structures administratives rurales peu adaptées aux grandes villes, les cantons et les départements sont parfois attaqués. "Plus que la question du nombre de ces échelons, c’est comment ces niveaux sont orchestrés, organisés et c’est parfois les limites administratives, les rapports de force politiques qui ne rendent pas fluide ce qui pourrait être une bonne coopération" commente Laurent Rieutord. "Le temps d’après peut être aussi le temps des ruralités renouvelées. Avec le télétravail on voit bien que les territoires et les départements qui ont des dynamiques plus positives sont ceux qui associent des fonctions productives agricoles, industrielles, touristiques économiques mais aussi des fonctions résidentielles avec de nouveaux arrivants. Il faut parvenir à allier les deux".
Et quand on évoque une faible participation des électeurs aux scrutins des 20 et 27 juin qui risquerait d’affaiblir la légitimité des collectivités et des élus, Raphaël Piastra ne cache pas ses craintes : "L’abstention va être massive, pour les départementales, les régionales, pour la présidentielle. Il y a à mon avis un divorce très important entre les électeurs et ceux qui les gouvernent".