Depuis ce jeudi 16 avril, les sites Amazon en France sont fermés, normalement jusqu'à lundi inclus. A Montélimar (Drôme), la décision a été bien accueillie par les syndicats qui défendaient une meilleure sécurité sanitaire. Mais certains salariés redoutent désormais des conséquences pour l'emploi.
"Certains ont peur de perdre leur emploi, ont peur qu'Amazon change de politique en France, du coup on est pris à partie", témoigne un salarié syndiqué du site de Montélimar. Cette tension est confirmée par Guillaume Reynaud, élu au Comité Social et Economique de l'entrepôt drômois. Mais le cégétiste pense avant tout à la victoire des syndicats qui ont obtenu "la prise en compte de la sécurité face au risque épidémique".
"Le travail d'analyse et de consultation a commencé, et on a enfin pu exprimer nos craintes à la direction", explique Guillaume Reynaud qui évolue dans un entrepôt où quelque 750 CDI et 180 intérimaires travaillent.
Des colis de main en main
La fermeture des 6 sites Amazon français fait suite à la décision d'un juge de Nanterre qui a mis en avant plusieurs problèmes: des tourniquets à l'entrée des sites qui "créent des rassemblements de salariés, violant les mesures de distanciation", idem dans les vestiaires, le "passage des colis d'un salarié à un autre" susceptible de transmettre le virus, et enfin "des plans de prévention qui n'ont pas été suffisamment communiqués", notamment via des procès-verbaux.A Montélimar, Guillaume Reynaud dit ne pas voir relevé de problèmes particuliers à l'entrée, le parcours lui semble "balisé". Mais ce qu'il redoute pour ses pairs, c'est réellement le passage des objets et des colis de main en main.
Certes, les salariés sont équipés de masques, "mais ils ne sont pas obligatoires", regrette le syndicaliste qui fustige également le port des gants. "On sait très bien que si quelqu'un se touche le visage avec son gant, il peut se contaminer. Il faut en plus du gel hydroalcoolique à tous les postes", ajoute Guillaume Reynaud."On a comptabilisé, dans le cadre d'une commande importante, que jusqu'à cinq personnes peuvent intervenir en prenant les articles et le colis. Si un éternue, qu'il est porteur du Covid, tout le monde est contaminé. On demande donc de réduire le nombre d'intervenants sur une livraison. On espère aussi limiter les effectifs sur le site, mais ça ils n'ont pas l'air de vouloir l'entendre."
D'autres réunions direction locale/représentants du personnel sont prévues durant ces 5 jours d'arrêt, dans l'objectif de constituer un document unique qui servira de base à la gestion de la crise du coronavirus sur le site de Montélimar.
Que révèle cette situation sur Amazon?
Pour Julien Dutreuil, ancien d'Amazon et associé au sein du cabinet de consultants Bartle, le "modèle" du géant américain est basé sur "du quasi 100% humain, avec des salariés à temps plein et des intérimaires recrutés en période de pointe".Avec un modèle économique encore instable mais en forte croissance, c'est le facteur humain qui est "le plus souple pour absorber les pics et les baisses de charges".
"Ce sont les premiers à avoir vu l'entrepôt comme une usine à produire du service, avec des process très simples et déshumanisés", des salariés "interchangeables" et un "pilotage industriel de la capacité des ressources déployées", selon lui.
"Leur jeu, souligne-t-il, c'est 'je te tiens, tu me tiens par la barbichette': si on commence à les brider, ils menacent de fermer et de mettre tout le monde au chômage partiel."
En outre, Amazon est réputé pour "préférer ses clients à ses collaborateurs", affirme-t-il dans une interview à l'Agence France Presse.