Coronavirus : "Nos malades chroniques ont disparu", l’hôpital de Montélimar (Drôme) lance un cri d’alerte

L’hôpital de Montélimar met en place un suivi pour les personnes atteintes de pathologies chroniques hors Covid 19. Depuis le début de la crise sanitaire, les consultations sont en chute libre. Les professionnels craignent une aggravation générale de l’état de santé de ces malades.
 

L’hôpital de Montélimar (Drôme) annonce la mise en place un suivi pour les personnes atteintes de pathologies chroniques hors Covid 19.
En effet, depuis le début de la crise sanitaire, les consultations sont en chute libre.
Le constat est le même chez les généralistes. Les patients ont peur de sortir de chez eux pour aller à l’hôpital ou chez leur médecin. Les professionnels craignent une aggravation générale de l’état de santé de ces malades.
 

Un constat est impressionnant et paradoxal en apparence

Depuis le début de l’épidémie, le service des urgences de l’hôpital de Montélimar compte deux tiers d’admission en moins. Le chiffre est passé de 150 à 50 par jour.
 

Les admissions pour les AVC, les infarctus, des décompensations respiratoires, pour des diabètes ont très fortement baissé"  confirme Catherine Buseuil, médecin-chef des urgences.


Catherine Buseuil poursuit, "d’habitude, en moyenne, nous faisions 25 hospitalisations quotidiennes. Depuis la mi-mars, Il n’y en a pratiquement plus. En fait, nos patients chroniques ont littéralement disparu !"

Même son de cloche chez les médecins généralistes. Jérémy Mercier est installé à Montélimar depuis 2013. Très vite, il s’est inquiété de voir ses patients habituels déserter son cabinet malgré la mise en place d’horaires différenciés pour accueillir les patients atteints du Covid 19 et les autres.

Mais rien n’y fait. Parmi les 500 personnes suivies pour des maladies chroniques, rares sont celles qui reprennent contact avec le jeune généraliste de 42 ans. "Le phénomène est spectaculaire. La plupart de mes patients ne viennent plus. Auparavant, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous oscillait entre deux et trois semaines. Désormais, vous pouvez obtenir un créneau horaire du jour pour le lendemain. J’estime qu’il y a 90% de rendez-vous en moins !" s'inquiète Jérémy Mercier qui pratique la téléconsultation mais il reconnait que son public principalement âgé n’y a pas recours.
 

Une forme d’autocensure, de nombreux patients ont peur

Selon les professionnels de santé, plusieurs raisons expliquent cette chute drastique des consultations classiques. De nombreux patients ont peur. Ils craignent encore d’être contaminés par le virus s’ils se rendent dans un l’hôpital ou dans un cabinet médical. Les consignes liées au confinement peuvent également générer une forme d’autocensure chez certaines personnes à la santé fragile.

En clair, elles négligeraient volontairement l’apparition de symptômes inhabituels. "Si vous êtes cardiaque et que vos jambes gonflent anormalement, vous devez absolument consulter! Si vous avez un mal de tête qui persiste, vous êtes peut-être en hypertension. Soyez attentifs aux douleurs abdominales, elles cachent parfois des crises d’appendicite!" insiste Catherine Busseuil.
 

Nous avons dû traiter plusieurs cas de patients qui voulaient prendre sur eux. Ils ont attendu trop longtemps pour venir nous consulter. Le problème, c’est que ce retard dans la prise en charge entraîne souvent de graves complications et rend bien plus difficile leur traitement - insiste Catherine Busseuil.


L’autre conséquence de ces ruptures dans le suivi médical, c’est le risque dans les prochaines semaines de voir une multiplication des admissions urgentes et donc un engorgement des services hospitaliers.
 

Un appel général à la vigilance

Pour éviter cet effet collatéral de la crise sanitaire que personne n’avait prévu, l’hôpital de Montélimar vient de demander à tous ses chefs de service de reprendre contact par téléphone avec les patients atteints de pathologies graves.
Le docteur Henri Osman est à l’origine de cet appel général. Le responsable de la commission médicale du groupement hospitalier Portes de Provence à Montélimar martèle le même message.
 

Les gens pensent qu’ils ont plus de chances de mourir du Covid 19 que de leur maladie. C’est une erreur! Ils doivent se ressaisir. Sans attendre qu’ils prennent conscience des risques, nous avons sensibilisé tous nos médecins pour qu’ils réactivent ce suivi médical et organise des prises en charge rapides des malades chroniques jugés prioritaires. Nous devons organiser une surveillance rapprochée pour éviter le pire. 


Les généralistes s’associent à cet appel à la vigilance lancé aux patients. Même s’ils reconnaissent qu’en raison d’un manque de personnel, il leur est pratiquement impossible de reprendre contact de manière systématique et individuelle avec leurs patients les plus fragiles. "Dans ces circonstances exceptionnelles, les pharmaciens pourraient beaucoup nous aider dans cette démarche. Ils sont un rôle pivot" glisse Jérémy Mercier, "lorsque des personnes viennent  renouveler leur ordonnance, les pharmaciens pourraient prendre de leurs nouvelles et nous transmettre ces informations ou alors simplement leur demander de nous appeler. Je reconnais que nous sommes parfois difficiles à joindre à cause des téléconsultations mais il est primordial que nous puissions rétablir ce lien et avoir un échange de vive voix."

Pour rassurer les patients qui ont déserté les consultations par peur d’être contaminés, l’hôpital de Montélimar rappelle qu’un double accueil des malades a été établi avec l’instauration d’un tri drastique aux entrées.
 

Il n’y a vraiment aucune crainte à avoir. Tout est organisé pour protéger au mieux les patients qui ne sont pas atteints par le Covid. Les services en charge du virus sont totalement séparés des autres unités. Des masques sont distribués à chaque patient. Nous avons suffisamment d’équipements de protection pour tous ceux qui ont en besoin. Aujourd’hui, ce problème de pénurie est derrière nous - ajoute Michel Cohen, le directeur de l’établissement.


Qu’ils soient à l’hôpital ou en ville, les professionnels de santé partagent aujourd’hui une même crainte, à savoir l’après 11 mai.
Il est en effet très probable que les personnes les plus vulnérables seront soumises à un confinement qui pourrait durer encore plusieurs semaines voire plusieurs mois. Si elles ne sont pas suivies médicalement de manière régulière comme auparavant, leur état de santé pourrait s’aggraver avec un risque de mortalité très élevé.

Par ailleurs, l’isolement prolongé favorise l’émergence d’un phénomène fréquemment observé chez des personnes âgées malades : le symptôme de glissement.
Il s’agit d’une sorte de dépression aiguë. Elle entraîne une perte d’autonomie, une dégradation rapide de l’état de santé des patients et à terme un renoncement à la vie. C’est l’autre enjeu vital de cet appel général lancé par l’hôpital de Montélimar.
 
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