Des habitants torturés, abattus ou brûlés. Le village martyr de Vassieux-en-Vercors a payé un lourd tribut lors de la 2ᵉ guerre mondiale. La commune a été détruite par la barbarie nazie. Que reste-t-il de ce lourd passé pour les habitants, 80 ans après le drame du 11 juillet 1944 ?
Emmanuel Macron doit entamer les commémorations du 80ᵉ anniversaire du Débarquement par une visite à Vassieux-en-Vercors, ce mardi 16 avril. Cette commune, classée compagnon de la Libération, reçoit pour la première fois un président de la République. C'est une date hautement symbolique : elle marque l'arrivée de la milice à Vassieux-en-Vercors. Chaque année, la commune organise une journée de commémoration.
Un village victime de la barbarie
L’histoire du martyr de Vassieux-en-Vercors est indissociable de celle du maquis du Vercors. Véritable point stratégique, le village situé à la croisée des départements du Rhône, de la Drôme et de l'Isère servait aux parachutages d’hommes et de matériels pour la Résistance.
Le 21 juillet 1944, plus d’une centaine de soldats allemands prennent d’assaut Vassieux-en-Vercors. L'armée nazie pense que l’état-major de la Résistance se trouve sur place. Le village a été détruit, réduit en cendres, des habitants ont été massacrés. On déplore 73 victimes – hommes, femmes ou enfants. Pendues ou abattues, d’autres ont été carbonisées. La plus jeune des victimes a 18 mois. La plus âgée, 91 ans.
Lors de la première commémoration des combats du Vercors, en août 1945, la commune de Vassieux-en-Vercors a reçu la croix de la Libération des mains de Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance (CNR).
Un village comme les autres ?
Le village, grâce à son mémorial et au musée de la Résistance, attire de nombreux visiteurs. La commune a un lourd passé et des témoignages sont présents partout. Comment vit-on aujourd'hui avec le poids de cette histoire tragique ? Qu'en pensent les Vassivains, à commencer par le premier citoyen du village ?
Presque 364 jours par an, c'est une commune comme les autres. Il y a un temps fort chaque année, le temps de commémoration, le 21 juillet.
Thomas Ottenheimermaire de Vassieux-en-Vercors
"Il y a la nécropole, les carcasses de planeurs, le mémorial, le musée de la Résistance, le martyrologe avec le nom des victimes… Les lieux font qu'on ne peut pas oublier cette histoire. On sent qu'elle reste assez présente. Par contre, au quotidien, on est une commune rurale de moyenne montagne, de 330 habitants, avec les mêmes préoccupations et problématiques que les communes de taille similaire", explique Thomas Ottenheimer, maire de Vassieux-en-Vercors. Le tourisme mémoriel est important, reconnaît cependant l'élu.
"On ne va pas en parler au quotidien"
"À Vassieux, on vit comme dans tous les villages de campagne. Mais il y a des périodes de l'année, comme le 21 juillet, où le poids de l'histoire ressort. Ça fait consensus dans le village (...) Là, le poids de l'histoire est visible et marquant. Mais on ne va pas en parler au quotidien !" confirme le boulanger du village.
"On va y penser régulièrement, mais on ne peut pas dire qu'on vit dans un mouroir, avec une grosse chape de plomb (...) On a l'honneur d'habiter à Vassieux et de représenter ceux qui ont donné leur vie et leur sang pour le pays", précise-t-il.
"Ne pas oublier le passé"
Même si la mémoire reste grâce aux commémorations, entre nouvelles générations et nouveaux arrivants, la page se tourne peu à peu à Vassieux-en-Vercors, selon Jean-Michel, également commerçant dans le village. La commune ne se contente pas de regarder en arrière.
"Aujourd'hui sur Vassieux, environ une quinzaine de personnes ont connu les événements. Elles avaient 5 à 7 ans à l'époque", ajoute-t-il,"Les gens n'oublient pas, mais avec le temps, les choses s'estompent un peu (...) mais ce n'est pas parce qu'on tourne les pages du livre, qu'on oublie ce qui s'est passé au début du livre", rappelle le Vassivain.
Le fils d'une victime est plus perplexe et plus amer. "J'ai perdu mon père pendant les événements. Je ne l'ai pas connu. Il a été pendu par les pieds à la forêt de Lente. Il a été retrouvé le 30 juillet". Pour ce dernier, l'histoire se perd parce que les anciens ont disparu. "Il n'y a plus d'anciens et nous, on est la génération qui n'a pas connu les événements. On répète ce que nos parents nous ont dit, mais ils ne nous en parlaient pas trop de ces événements", explique l'octogénaire.
Cet habitant a connu le village en reconstruction. Elle a duré près de cinq années. Il n'était qu'un enfant, mais en a gardé des souvenirs. "Quelques maisons sont restées et n'ont pas brûlé. Il aurait fallu faire comme à Oradour, laisser le village et construire à côté. Je suis allé à Oradour, c'est poignant aussi ! ", explique-t-il. Si pour cet habitant, "il ne faut pas vivre avec le passé, il ne faut pas l'oublier."
France 3 Auvergne-Rhône-Alpes sera en direct mardi 16 avril à 12h05 pour une édition spéciale présentée par Olivier Michel. Pour suivre le direct ou voir le replay, rendez-vous sur France.tv