Après le plateau des Glières et la maison d'Izieu, Emmanuel Macron se rend ce mardi 16 avril à Vassieux-en-Vercors, dans la Drôme, pour rendre hommage au maquis du Vercors, marqué par un massacre de civils pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette visite est une première pour un président en activité.
C'est un petit village de montagne un peu austère, entièrement détruit pendant la guerre : Vassieux-en-Vercors (Drôme), où Emmanuel Macron se rend mardi, tient enfin sa visite présidentielle à l'occasion du 80e anniversaire de la Libération.
La mémoire de ce bourg de 330 âmes posé sur un plateau à 1.000 mètres d'altitude mêle héroïsme et tragédie : en juillet 1944, il fut à la fois le théâtre d'intenses combats contre la Résistance et celui du massacre "dans des conditions odieuses" de 72 villageois par la Wehrmacht, rappelle l'historien Gilles Vergnon. Plus généralement, les troupes allemandes laissèrent le massif du Vercors "dans un état de complète désolation" lorsqu'elles se retirèrent le 12 août, souligne-t-il.
Après le plateau des Glières et la maison d’Izieu, Vassieux-en-Vercors
La cérémonie d'hommage aux maquisards qui y est prévue constitue la deuxième étape du long cycle mémoriel initié au début du mois par le président sur le plateau des Glières, autre maquis décimé, et à la maison d'Izieu, où des enfants juifs furent raflés par la Gestapo. Cette cérémonie se déroulera à la nécropole du village et devant le martyrologe, un bas-relief recensant les noms des victimes sur la place principale.
Les événements qui se sont déroulés dans le village lui ont valu de figurer parmi les cinq communes élevées par le général De Gaulle au rang de Compagnon de la Libération au même titre que Nantes, Grenoble, Paris et l'île de Sein.
Son autre particularité est "qu'aucun président n'avait jamais honoré de sa présence une cérémonie à Vassieux", relève Pierre-Louis Fillet qui dirige le Musée départemental de la Résistance du Vercors. Une "incongruité du point de vue du statut de Vassieux", relève-t-il. Plusieurs Premiers ministres s'y sont en revanche rendus.
"Prendre l'histoire en bloc"
Si le maire Thomas Ottenheimer se félicite lui aussi de la visite présidentielle, il admet avoir été "un peu surpris" du choix de la date. En témoignent les importants travaux en cours sur la route principale, qui ont dû être mis "en pause" pour la visite.
A Vassieux, les commémorations se déroulent habituellement le 21 juillet, date correspondant au début de l'attaque de la Wehrmacht contre le maquis du Vercors. La date du 16 avril correspond quant à elle à l'arrivée de dizaines de miliciens français dans le village, qu'ils vont "terroriser" une semaine durant en instaurant notamment un tribunal dans un hôtel, relate Gilles Vergnon. Trois personnes seront exécutées.
"L'événement est connu et répertorié, mais n'a jamais été commémoré sinon localement. C'est une première", souligne-t-il, qualifiant le choix de "surprenant".
Outre de probables considérations de calendrier liées entre autres aux Jeux olympiques, M. Macron a peut-être voulu "faire ce que personne n'a jamais fait", et parler politique intérieure en mettant en évidence le thème de la "division" entre Français, avance-t-il.
"A deux mois des élections européennes et avec le Rassemblement National très haut dans les sondages, il va très probablement vouloir habilement glisser un mot sur le sujet", avance de son côté le maire, Thomas Ottenheimer.
Selon un proche du président, le choix de la date est bel et bien voulu : il s'agit de "prendre l'histoire en bloc. Faire mémoire, c'est montrer aussi toutes les zones grises. On assume totalement de le faire comme ça", a-t-il indiqué.
Une habitante de souvient
Politiquement, le Vercors est longtemps resté un terrain miné. A partir de 1947, les prémisses de la guerre froide se font sentir et le Vercors est "instrumentalisé", les communistes accusant les gaullistes de les avoir abandonnés à leur sort, voire "trahis" pendant l'offensive allemande, rappelle M. Fillet.
Ces accusations ont pu rendre le sujet "politiquement un peu plus compliqué à investir" pour les dirigeants du pays, souligne-t-il.
Aujourd'hui encore, "les gens adorent l'idée que le Vercors a été trahi, c'est un sujet un peu romanesque, même s'il est désormais établi que cela n'a pas été le cas", relève-t-il.
De l'époque de la guerre, seule une habitante de Vassieux âgée de 87 ans garde à ce jour des "souvenirs de parachutages", indique le maire. Une quinzaine d'autres personnes, nées dans les années 40 et à ce titre "victimes indirectes" des événements, n'ont elles que de vagues réminiscences.
Les commémorations de la Libération connaîtront un de leurs points culminants avec le 80e anniversaire du Débarquement de Normandie, le 6 juin, auquel le président américain Joe Biden est attendu.