Rafle de la Maison d'Izieu, il y a 80 ans, la terrible histoire de 44 enfants déportés

Il y a tout juste 80 ans, la Gestapo arrêtait 51 personnes, dont 44 enfants. La maison, devenue mémorial, commémore cette journée du 7 avril 1944.

Ce 6 avril 1944 marque le premier jour des vacances de Pâques. Des enfants préparent leur petit-déjeuner, sans savoir que ce sera le dernier.

Deux camions et une voiture font irruption devant la maison. Des soldats de la Wehrmacht descendent et arrêtent brutalement les personnes présentes. Elles sont 51 à l'intérieur, quarante-cinq enfants et sept adultes. L'un d'eux réussit à s'échapper, en sautant par une fenêtre à l'arrière de la maison.

"Comme de vulgaires sacs"

Les soldats font monter leurs prisonniers dans les deux camions. Un témoin a observé, impuissant, à la scène. Lors du procès Barbie, en 1987, il raconte ce qu'il a vu.

Quand je regardais, dans les camions, une chose m'a frappé. Les plus grands essayaient de sauter par-dessus les plateaux, aussitôt, ils étaient remis en place par deux Allemands qui les prenaient et les rejetaient dedans, comme des sacs de pomme de terre. Comme de vulgaires sacs.

Julien Favet, au procès Barbie

 

D'autres témoins assurent avoir entendu, pendant que les camions roulaient, les enfants chanter "vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine".

Le soir du 6 avril, un télex est envoyé de Lyon à Paris. Il est signé Klaus Barbie. Il annonce la rafle de quarante-quatre enfants et de sept adultes, leur transfert à Drancy est programmé le lendemain. Ce document sera produit lors du procès.

Internés à la prison de Montluc, à Lyon, les jeunes prisonniers sont transférés, comme l'indiquait Barbie, vers le camp de Drancy, le lendemain. C'est le début de la route vers les camps de la mort. Tous sont déportés à Auschwitz-Birkenau pour être assassinés dans les chambres à gaz. Une seule rescapée, Léa Fedblum, reviendra.

"Ici, vous serez tranquilles"

La maison d'Izieu se trouve dans un endroit reculé, dans le Bugey. Isolée, loin des routes principales, la maison est un havre de paix. Elle a été choisie pour cela. Le sous-Préfet de l'époque, très investi dans la sauvegarde d'enfants juifs, explique à celle qui allait devenir la directrice de la colonie : "ici, vous serez tranquilles". Sabine Zlatin va ainsi accueillir plus d'une centaine d'enfants juifs. Leurs parents ont été arrêtés ou déjà déportés.

Un espace de refuge

Au printemps 1943, Sabine Zlatin part, avec son mari, avec quelques enfants. Elle cherche un lieu paisible et sûr. Peu à peu, la colonie s'installe dans la maison. Les échanges avec les habitants du secteur sont fréquents. Des enfants des villages voisins viennent jouer avec ceux de la colonie. Les jours sont heureux, bien que marqués par l'absence des parents. Dans la maison, tout le monde participe aux tâches du quotidien. Et il n'est pas facile. Restrictions alimentaires, hygiène limitée, la maison ne dispose pas d'eau courante, ni de chauffage. La guerre n'est pas si loin. Mais le lieu est un espace de refuge. On cultive un potager, on va se baigner dans le Rhône, on dessine, on joue. On suit même des cours. Une institutrice a été nommée.

Ces enfants avaient souffert, étaient mûris avant l’âge. Jamais ils ne me dirent qu’ils étaient juifs : ils voulaient et savaient garder leur secret.

Gabrielle Perrier-Tardy (1922-2009), institutrice à la colonie

Questions autour d'une dénonciation

Qui a pu alors dénoncer les enfants de la colonie ?

Un temps, des soupçons ont pesé sur un paysan du coin. Inculpé et jugé en 1947, en l'absence de preuve, d'aveu ou de témoignage, il ne fut pas condamné.

La Gestapo a mené plusieurs arrestations dans le secteur quelques semaines avant la rafle d'Izieu. Y aurait-il eu des aveux de la part de certaines personnes arrêtées ? La présence des enfants à Izieu n'était pas secrète. Des courriers administratifs ont aussi pu être trouvés par les Allemands. La politique de répression battait son plein.

La question de la dénonciation n'a toujours pas trouvé de réponse.

Lors du procès Barbie, le témoignage de Sabine Zlatin a été l'un des moments forts. Elle a regardé le box des accusés et dans un silence de plomb, elle s'est adressée à la défense du tortionnaire dans un éclat de voix qui porte haut encore aujourd'hui.

Je veux dire surtout à la défense de Barbie que Barbie a toujours dit qu’il s’occupait uniquement des résistants et des maquisards. Ça veut dire des ennemis de l’armée allemande. Je demande : Les enfants, les 44 enfants, c’était quoi ? C’était des résistants ? C’était des maquisards ? Qu’est-ce qu’ils étaient ? C’était des innocents !

Sabine Zlatin (1907-1996), au procès Klaus Barbie

Dès 1946, grâce à l'intervention de Sabine Zlatin, une cérémonie officielle se déroule devant la maison. En 1994, le mémorial est inauguré par le président de la République, François Mitterrand. Cette année, les 80 ans de la rafle des enfants d'Izieu seront commémorés.

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