Parties étudier à Wroclaw en Pologne au mois de février, ces deux françaises ont très vite vu leur séjour linguistique prendre un autre tournant avec le confinement. Déconfinées depuis le 20 avril, elles comptent savourer pleinement la vie polonaise avant de rentrer en France. Témoignages.
« On peut enfin vivre notre Erasmus à 100% ! » se sont réjouies Marion Bard et Noémie Bonnélie, 21ans, étudiantes clermontoises, à l’annonce du déconfinement progressif décrété en Pologne fin avril. Arrivées le 5 février dernier à Wroclaw en Pologne, pour réaliser leur dernier semestre de Licence ISIC (Information et Communication), elles ont très vite déchanté à l’annonce du confinement instauré début mars dans le pays. Mais pour les deux jeunes femmes en colocation avec 9 étudiants étrangers, il était hors de question de mettre un terme à leur rêve Erasmus en rentrant en France.
« Au début nos parents n’étaient pas très rassurés de nous savoir à des milliers de kilomètres de chez eux, mais ils nous savaient ensemble et nous les avions régulièrement au téléphone. Puis la France a très vite était confinée à son tour, alors autant rester en Pologne !» se souvient Marion. Après la stricte fermeture des frontières mise en place dans le pays dès le 15 mars, elles précisent avoir eu jusqu’à début avril, pour revenir sur leur décision et pouvoir constituer un dossier pour rentrer en France. Mais les jeunes femmes n’ont jamais regretté leur choix initial, et expliquent avoir très bien été accompagnées pendant leur confinement : « Notre faculté française ainsi que celle où nous étudions en Pologne nous envoyaient plein de mails pour nous rassurer. Et nous devions
régulièrement témoigner de notre situation et santé auprès de l’Ambassade française basée à Varsovie. » explique Noémie. Un soutien rassurant pour les deux étudiantes qui déclarent ne pas avoir eu peur du virus et s’être très vite adaptées au « confinement polonais ».
Confinement à la polonaise
Fermeture des établissements scolaires et des établissements publics, télétravail encouragé, et contrôle sanitaire à ses frontières, le confinement polonais a été décrété dès les premiers cas mortels en Pologne expliquent les jeunes femmes. Des mesures drastiques anticipés avant la France mais moins contraignantes que celles vécues par les français selon elles : « Nous pouvions nous déplacer sans attestation, à deux maximum, faire notre sport sans périmètre infligé en gardant les distances réglementaires et je n’ai jamais vu de contrôle dans les rues » déclare Marion. Pour la jeune femme, cette différence notoire avec la France est surtout due à la culture et mentalité polonaise : « Les polonais sont très disciplinés. Dès l’annonce du gouvernement, après les premiers morts, les rues ont été désertées et il n’y avait aucun attroupement. Le port du masque a très vite été obligatoire et tout le monde respectait les règles de distanciation ». Noémie évoque en souriant un simple rappel des mesures sanitaires exercé par la police le soir à l’aide de haut-parleur : « qui peut faire penser aux méthodes utilisées à l’époque ». Occupées par leurs cours en visioconférence, leurs balades journalières et la compagnie de leurs colocataires, les deux jeunes femmes n’ont pas eu le temps de déprimer. « Nous restions positives en pensant au moment où nous pourrions enfin visiter le pays. Puis nous savions que nous étions des milliers dans le même cas ! En coloc’ avec 9 autres personnes, c’est plus facile de relativiser. »
Marion et Noémie dans leur colocation polonaise
Une reprise nécessaire de l’activité
Confiné parmi les premiers pays d’Europe, la Pologne a décrété un dégel progressif du pays dès le 20 avril pour relancer l’activité économique : « Le déconfinement se fait vraiment par étape : il y a eu d’abord le retour sur son lieu de travail et l’ouverture des parcs publiques et jardins, puis la réouverture des hôtels et des grands centres commerciaux, et depuis ce lundi la réouverture des bars et restaurants en terrasse et des coiffeurs » précise Noémie. Si une bonne partie de la population poursuit le télétravail pour limiter les risques, Marion explique qu’il était urgent pour le pays de reprendre du service tout en continuant d’instaurer des mesures sanitaires strictes : « La crise sanitaire a eu un violent impact sur l’économie. La Pologne n’a pas les mêmes moyens que certains pays européens. Sans le tourisme à Varsovie et l’arrêt de l’activité économique, le pays s’est vite retrouvé sous l’eau ». Elle ajoute également avoir remarqué une baisse de la valeur du Zloty, la monnaie polonaise, lorsqu’elle réalise ses courses. Pourtant, malgré la nécessité de retrouver très vite une activité « normale » et un taux de mortalité relativement plus faible que certains pays d’Europe (18 257 cas et 915 décès à ce jour), les deux jeunes femmes soulignent le comportement exemplaire des habitants depuis le déconfinement. « Les gens continuent de limiter leurs déplacements au stricte minimum. Nous n’avons pas vu de grands rassemblements, sauf sur la place principale mais toujours avec des mesures de distanciation entre les personnes » détaille Noémie.
« Avec Marion nous avons toujours vu des masques, gants et du gel hydroalcoolique mis à disposition, et même de la vodka pour désinfecter » ajoute-t-elle en souriant.
Un déconfinement politique précoce
S’il y a un domaine qui n’a pas attendu le déconfinement en Pologne c’est bien la politique. Le parti d’extrême droite au pouvoir a tenu à maintenir les élections présidentielles malgré le confinement, une situation suivi avec attention par les jeunes femmes françaises aspirantes journalistes : « On aurait aimé assister à des meetings politiques, des manifestations et ainsi se faire un avis sur la tenue des élections mais tout a été interrompu pendant le confinement. Tout sauf le maintien des votes » explique Marion. Pour maintenir les élections, le président polonais, Andrej Duda , a imaginé un vote par correspondance. Une décision violemment critiquée par les partis d’opposition dans l’incapacité de réaliser leur campagne présidentielle pendant le confinement. « Nous n’avons eu aucun prospectus distribués dans nos boites aux lettres pendant les élections et nous ne voyons pas d’affiches dans les rues » témoigne Noémie. Dans l’incapacité de se mettre d’accord, les élections ont été annulées le 10 mai dernier et le gouvernement a désormais 14 jours pour se décider sur la forme du scrutin. « Dans tous les cas, il y a de grande chance que le président actuel soit réélu. Nous allons suivre ça de près avant notre retour en France mais pour l’instant nous n’avons pas vu de mouvement de contestation dans les rues » ajoute Marion.
Avant le retour en France prévu en juillet, pour les deux amies l’heure est plutôt aux balades dans les rues colorées de Wroclaw, et aux premiers verres en terrasse. Marion et Noémie ont dû revoir leur soif de voyages à la baisse mais ont tout de même prévu de visiter la Pologne en Flixbus, mis en service à partir du 28 mai. Si elles reconnaissent avoir vécu un « drôle d’Erasmus », elles ne reviendraient sur leur décision pour rien au monde et compte bien profiter du peu de temps qu’il leur reste pour profiter d’une expérience unique en Pologne.