Arrivée tardivement sur la scène nationale, Geneviève Fioraso, 60 ans, issue du creuset politique grenoblois, a enclenché un bouleversement du paysage universitaire avant de devoir partir, ce jeudi 5 mars, pour des problèmes de santé.
Ancienne prof d'anglais, Geneviève Fioraso est avant tout une militante, qui a soutenu Pierre Mauroy puis Michel Rocard, avant de devenir une fidèle de Pierre Moscovici. Selon ses proches, c'est sans doute ce dernier qui a soufflé en 2012 à François Hollande et Jean-Marc Ayrault le nom de ce petit brin de femme, à la voix rauque et à l'élégance sobre, pour le ministère de l'Enseignement supérieur.
Elle est alors députée PS et adjointe au maire de Grenoble, Michel Destot. Tout le monde le voyait entrer au gouvernement, mais c'est elle qui monte à Paris. L'un de ses plus fidèles amis politiques grenoblois, Jérôme Safar, évoque un moment "douloureux" mais aussi une reconnaissance pour cette ancienne PDG d'une entreprise de nanotechnologies, mère de deux enfants, qui n'est pas passée par les grandes écoles.
"Déterminée", "forte", "rompue aux dossiers", selon Jérôme Safar. Elle peut piquer des "colères froides", mais aussi se montrer très "maternelle". Une affection qu'elle porte aux "gens", aux "sciences" et au "monde universitaire", renchérit le président de l'Ecole polytechnique, Jacques Biot.
Opiniâtreté
"Son ancrage local à Grenoble fait partie de sa colonne vertébrale", ajoute le polytechnicien qui note chez elle "une opiniâtreté un peu montagnarde et beaucoup de bon sens tiré des expériences locales". Tous deux se sont retrouvés autour d'un projet "militant": la création du plateau de Paris Saclay, modèle s'il en faut des "Communautés d'universités et établissements" (Comue), regroupant universités, laboratoires de recherche et grandes écoles en de grands campus.Ces regroupements (en Comue, fusion ou association) avaient notamment pour objectif de rendre plus lisible la carte universitaire. Mais c'était sans compter sur les réticences de certaines grandes écoles, qui se sont senties parfois exclues des négociations, ou des petites universités qui ont eu peur d'être englouties face à des poids lourds. A l'heure qu'il est, les règles de fonctionnement de ces mastodontes sont encore en discussion.
Ce dossier était "porté à l'origine par la droite", constate Jacques Biot. Mais Geneviève Fioraso prétend qu'elle n'a que faire "de la politique" et assure ne poursuivre qu'un but: "faire avancer" ses dossiers. En trois ans - deux à la tête d'un ministère élargi aux sciences et à la recherche, un en tant que secrétaire d'Etat - elle laissera entre autres une loi éponyme, du 22 juillet 2013, lançant les regroupements universitaires.
Geneviève Fioraso a fait voter une autre loi sur l'encadrement des stages (du 10 juillet 2014), un cadre pour la recherche sur l'embryon et les cellules souches (loi du 6 août 2013) et mené un combat pour le lancement de la fusée Ariane 6. "Elle a le courage de ses décisions", selon Jacques Biot, qui loue aussi sa "forte autorité morale".Il y a eu du positif au début du quinquennat"
Hélène Conjaud, présidente et porte-parole du collectif "Sauvons l'université", parle elle d'une "ministre épouvantable qui n'a pas défendu les intérêts du supérieur et l'a poussé vers la privatisation". "Il y a eu du positif au début du quinquennat", tempère le président de l'Unef William Martinet. Mais aujourd'hui, "il n'existe aucun terrain de négociation possible", sans doute à cause de "problèmes budgétaires".
Claudine Kahane, co-secrétaire générale Snesup (FSU) à Grenoble, attend, elle, les emplois promis.
Interview
Dans un communiqué, le cabinet de l'ex-ministre a dressé un bilan de son travail.